La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai gardé mon neveu

Lundi 4 juillet 2022. Il débarque. À la fois rempli d’amour et de merdes au cul. Mon neveu débarque. Ce petit être capable de me faire rire et pleurer presque dans la même seconde. Mais ça, à l’instant où j’ai accepté de le garder, je n’en avais aucune idée. Parce que les choses se sont faites simplement. Un jour, ma sœur m’a annoncé que la nourrice d’Axel était en vacances en juillet. Naturellement et en tant que sœur exceptionnelle que je suis, je lui ai proposé de le garder. Logiquement, elle aurait dû refuser. Le fameux « Tu as besoin d’aide ? » de politesse auquel tout le monde répond « Non, t’inquiète, ça va ». Elle, ça allait pas. Et elle a pas hésité à me le faire savoir. En quelques secondes seulement, je venais de signer pour quatre jours entiers avec mon neveu.

C’était une grande première.

J’avais déjà pu tester l’expérience, mais jamais seule. Et déjà à trois (mes parents et moi), c’était sport. Alors sans eux, j’avais peur. J’avais tout prévu pour essayer de m’alléger la tâche. Des couches à profusion, un frigidaire à ras bord, le ménage de fond en comble, les activités chaque jour et une cure de sommeil avant qu’il arrive. J’étais d’attaque.

J’ai une chance : mon neveu est vraiment facile. Il dort, il mange, il ne fait pas de crise et ne hurle pas comme un connard. Et pourtant. Pourtant, malgré ça, ça a été dur.

Le premier jour, je l’ai passé sous la canicule à lui remettre de la crème solaire toutes les quatre minutes par peur qu’il se tape une insolation, à lui jeter de l’eau sur la gueule en lui faisant croire que c’était la pluie et à lui remettre sa casquette qu’il ne faisait que retirer. Et puis surtout, le premier jour, je me suis retrouvée au milieu de connards de gosses, plus âgés et plus expérimentés, qui sautaient sur des châteaux gonflables en éjectant mon petit. Mon neveu, lui, il les regardait un peu ébahi et surtout l’air très con, alors que les autres débiles rebondissaient dans tous les sens. Évidemment, il a fini par pleurer et paniquer, et je suis montée sur la grosse chenille gonflable pour engueuler toute la smala. C’était un bon moment. Surtout quand la sécurité m’a demandé de descendre parce que, je cite, j’ai plus de douze ans et je fais plus de 40 kilos. Reste tranquille, Bernard. Une fois que nous sommes sortis de cet enfer et pour consoler mon neveu, j’ai fini par lui offrir une glace, bio et locale, le genre qui coûte un rein. Il n’en a jamais voulu.

Le mardi n’a pas été mieux. J’avais prévu d’aller dans un parc d’attractions. La Mer de sable. Le gamin a posé son cul dans une voiture et s’est mis à hurler. Visiblement, il ne sera pas pilote de Formule 1. Heureusement pour moi, y avait les cowboys. Cowboys qui, soit dit en passant, sont beaucoup moins bien de près. L’avantage d’un gamin, c’est que tu peux aller demander des photos sans trop de honte. Eh bien, cette fois encore, j’aurais dû m’abstenir. Finalement, ce qui m’excite surtout, c’est les cabrioles qu’ils font à cheval. Remets ton chapeau, Lucky Luke, ça cache ta sale gueule.

Et le coup de grâce, ça a été le mercredi. Ah… le mercredi. Jour des enfants. Jour des petits enculés qui nous cassent le cul. À ce moment, je commençais à fatiguer. Deux jours entiers passés avec un môme à faire des monologues, à jouer avec une bassine d’eau et des Lego, à manger équilibré à 18 heures 30 et à écouter des Disney. Ok, ça, c’était cool. Deux jours où ma vie sociale s’est résumée à un enfant d’un an et demi, à des mamans, des baby-sitters, des oncles sous l’eau en train de discuter couches-culottes et tétines alors que je rêvais d’un Coca Zéro, voire d’une bouteille de vin. Et c’est là, la réelle difficulté : de l’aimer alors que tout ce que tu fais avec lui est à chier. Parce qu’arrêtons de nous mentir : arracher les pâquerettes dans le jardin et regarder les bourdons, c’est drôle cinq minutes. À la limite dix si quelqu’un te prend en même temps en levrette. Mais sinon, c’est chiant. Le temps avec les enfants, c’est chiant.

Et voilà toute la frustration d’être parent (ou tante, mais tu as la logique). C’est qu’évidemment, j’avais envie de passer du temps avec lui. Mais à l’instant où je faisais parler un Playmobil, j’avais envie de me le foutre dans le cul.

J’en avais marre. Et le pire, c’est qu’ils le savent. Comme un radar, les gosses le sentent. Si les deux premiers jours, j’ai pu feinter, le troisième, il l’a vu. Mon neveu, il est pas con. Il avait capté que j’avais envie de retrouver mes potes, ma solitude et mes soirées à me trifouiller le clito en regardant des pornos projetés sur grand écran. Il le savait. Et il avait décidé de me le faire payer.

En réalité, la journée s’est passée plutôt correctement, outre le fait que la ferme pédagogique était fermée à cause des poules qui avaient eu un coup de chaud et la chute qu’il avait faite dans l’escalier devant la médiathèque parce que j’étais en train de répondre à des messages de mecs. La catastrophe, ça a été le soir. Le dernier. Je l’avais vu venir. Quand nous sommes rentrés de notre petite activité chute dans l’escalier, à peine a-t-il posé le pied dans la maison qu’il s’est transformé en gros relou. Il pignait. Comme un chien qui veut faire son premier pipi le matin. À chaque jouet qui tombait, à chaque « non » que je lui disais, à chaque contrariété. Il pignait. Rapidement, j’ai voulu m’en débarrasser. Grave erreur : c’est devenu encore pire. Je lui ai proposé de manger et il m’a jeté la tomate à la gueule ; je lui ai proposé d’aller au bain et il a voulu que je vienne avec lui pour finalement sortir dès que j’y ai mis un pied ; et, évidemment, je lui ai proposé de se coucher et il a hurlé.

Premièrement, il m’a fait croire. Je l’ai déposé dans son lit, après le rituel qu’on connaît tous. Le fameux au revoir au soleil et bonjour à la peluche qui chante. J’ai tout fait comme les deux soirs précédents. Mais ça, lui, il s’en foutait. Alors que je pensais qu’il dormait enfin, j’ai commis une grave erreur. Une très grave erreur. Je suis allée me doucher. À la première goutte qui a touché le fond de la baignoire, je l’ai entendu hurler. J’ai débarqué à poil, la serviette sur le cul, à moitié trempée, et surtout dévastée. Parce que j’avais compris : la soirée allait être longue.

Je ne m’étais pas trompée. Deux heures. Il m’a fallu deux heures pour le rendormir. Et encore, je sais que je suis chanceuse. Deux heures à feinter que moi aussi, j’allais me coucher alors que je voulais juste me caler devant Les Marseillais en bouffant des pâtes, deux heures à l’écouter hurler en lui disant que tout allait bien alors que non, tout ne va pas bien, Axel, tu pètes les oreilles de ta tante pour aucune raison. Deux heures à ressortir les jouets si bien rangés parce qu’« il faut recréer une atmosphère bienveillante au travers du jeu ». Sale gosse. Le seul jeu que je voulais, c’était un strip-poker. Oui, j’ai chaud au cul en ce moment.

J’avais passé deux heures à le consoler, à lui dire que j’étais là, qu’il pouvait s’endormir et que je veillais sur lui. Deux heures, pour que finalement, il s’assoupisse.

Et ce qui est fou, c’est qu’au moment précis où j’ai fermé la porte, il me manquait déjà.

C’est à cet instant que plus rien n’a eu aucun sens. Il m’effrayait autant qu’il m’attirait, il détruisait mon quotidien autant qu’il le rendait meilleur, il m’énervait autant que je le chérissais. C’est à cet instant que j’ai voulu être mère et signer pour ne jamais le devenir. C’est à cet instant que j’ai compris que l’amour était vraiment la chose la plus puissante de ce monde, et la plus dévastatrice.

Le jeudi, je l’ai retrouvé ; il m’a serrée dans ses bras dès qu’il m’a vue. Tout était oublié. Sans rancune, comme une nouvelle page qu’il avait le pouvoir d’écrire. Et lorsque je l’ai ramené à ses parents, j’ai été triste. En tout cas, cinq minutes avant d’aller rejoindre mes potes et de fumer une clope en terrasse. Mais j’ai été triste. C’est donc ça, être parent ? C’est en tout cas ce que j’ai cru comprendre, le jour où j’ai gardé mon neveu.

PS : À l’instant où vous lirez cette nouvelle, je pense que je serai à nouveau en train de garder Axel une semaine entière. Vais-je le regretter ? Tout à fait.

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5 réponses

  1. Coralie Psc dit :

    Je pense que tu as tout résumé cette nouvelle ! L’amour est puissant et pardonne tout !
    Les gosses savent s’y prendre, ils savent nos faire vriller pour que la minute d’après ils te sortent “je t’aime jusqu’aux étoiles”.
    Oui c’est toi que je vais envoyer par fusée illico la bas 😅. Sans rire, je suis maman de 2 petites filles , j’ai passé mes 3 semaines de congés seule avec elles car le papa bosse ! Et bah je me suis dit que finalement c’est bien d’être a deux et de voir des gens !
    On ne va pas se mentir c’est des piles ! Ils rechargent pendant qu’ils dorment sauf que les miennes ont pris l’eau je crois car elles ne chargent plus aussi vite 😂.

    Mais malgré tout, ils nous manquent toujours, et cet amour est a mon sens le plus beau et le plus durable ! ♥️

    Je suis certaine qu’il se rendra compte de la chance qu’il a d’avoir une tata comme toi comme tu te rends compte de la chance que tu as de l’avoir dans ta vie 🥰

  2. Vanessa Rouquet dit :

    4 enfants….et c’est vrai que l’on peut pleurer quand on les laisse chez papi et mamie, et quand on les récupère au bout d’une journée de dispute et de crise avoir envie de les foutres dehors…. On les aimes de tout notre être, mais que c’est bon d’avoir un moment pour soi, quand il se couche ou que tu sors seule de chez toi!

    Tu as eu un avant goût de la vie de maman !!

  3. Angelique Toux dit :

    Maman de 3 enfants dont 2 espacé d’un an je comprend tout à fait ce que tu veux dire. Ils me soulent autant que je les aimes. J’aime ma vie de maman autant que je la déteste des sentiments tellement éloigné et contradictoire. Mais pourtant je ne changerai rien je ne regrette rien. Et même s’il me rendent complètement folle je les aiment à ne plus pouvoir respirer. Être maman une grande histoire incompréhensible

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