La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai adopté un hérisson

Lundi 4 avril 2022. Dans ma boîte aux lettres, j’ai trouvé le fascicule d’une association luttant pour le maintien de la biodiversité. Je l’ai lu en diagonale avant de m’arrêter sur une phrase : “Nous avons besoin de famille d’accueil pour des hérissons en réhabilitation.” Ça a été comme une évidence ; j’ai saisi mon téléphone et contacté la personne qui allait faire de moi une maman hérisson. Bien sûr, je gardais en mémoire mes frasques, quelques semaines auparavant, lorsque j’avais provoqué une crise cardiaque à un oiseau en voulant l’aider à boire. Mais cette fois, j’y arriverais. J’en étais sûre.

Trois jours après, je me retrouvais dans le jardin de Chantal qui avait insisté pour lui rendre visite afin de me présenter la démarche “sauvetage hérissons”.

Entourée d’une dizaine de vieux, je l’ai écoutée parler de ses plantes alors même que j’étais incapable de garder en vie un cactus (ou un moineau). Autour d’elle, ils étaient en admiration, et je dois reconnaître que moi aussi. Son jardin, sur le thème d’Alice aux pays des merveilles, était incroyable : baigné de lumière, parfaitement entretenu… Chantal avait fait de son arrière-cour un vrai musée de la nature, dont elle prenait soin de faire payer trois euros l’entrée. Pas folle, Chantal. 

Mais moi, j’avais pas payé. Parce que moi, de ses tulipes, je m’en foutais. Ce que je voulais savoir, c’était quand j’allais accueillir mon premier hérisson. Et elle y est venue, à mes petits protégés. Après nous avoir expliqué qu’ils se faisaient bouffer de l’intérieur par des vers qui leur rentraient dans l’anus, elle nous a détaillé la bonne marche à suivre. Du chèvre, des bananes, des croquettes que Gégé allait probablement lui voler, une petite cabane avec trois parpaings et une toiture. Il n’en fallait pas plus : je m’engageais officiellement.

Vendredi 21 avril, j’ai reçu un message de Chantal : d’après elle, j’accueillerais le hérisson dans une semaine.

Alors, je me suis affolée et j’ai préparé son arrivée. Je voulais que tout soit parfait, j’étais à la limite d’adopter une chèvre pour faire moi-même du fromage. Pour peu qu’elle fût elle aussi à réhabiliter, la boucle était bouclée. Mais pour l’instant, il ne s’agissait que du hérisson et j’ai soudain pris conscience qu’il me manquait une chose essentielle : sa maison. J’ai tapoté sur mon clavier, tenté d’en trouver une et hésité à la construire avant de me rappeler que j’étais nulle et que je n’avais même pas de tournevis (c’est le problème quand on le met dans le cul des gens). Et puis, révélation. Je me suis rappelé que je vous avais vous, la famille Insta (#sisilesang). J’ai posté une story, expliquant ma démarche et précisant que j’allais accueillir un hérisson dans le besoin. Malheur, je venais d’attiser la folie de Sabrina.

Sabrina, c’était une abonnée que je connaissais bien. Probablement la cinquantaine passée, deux enfants dont un fils de 29 ans (l’enfer de la belle-mère), belge — à en croire ses dicta enflammés — et qui répondait à absolument chacune de mes stories depuis six mois. Sabrina, c’est ce que j’appelle un profil à risque. Les profils à risque, ce sont ceux qui, à tout moment, peuvent te faire vriller. Souvent, dans mon cas, il s’agit de femmes qui pourraient être ma mère, au moins en ce qui concerne l’âge. C’est le genre à t’envoyer plein de coeurs, à te dire qu’elle t’aime et qu’elle te soutient, et qui ne manque pas de donner son avis sur presque tout, pensant évidemment qu’elle sait mieux que toi alors qu’elle ne connait absolument rien au sujet. Exemple : j’ai auto-édité trois livres, seule, qui me permettent de vivre. Je pars donc du principe, sans la moindre arrogance, que “je sais faire”. Mais d’après elle, je pourrais bien mieux m’en sortir si… Bref, vous avez l’idée. Le genre de personne bienveillante, mais surtout bienreloue.

Sabrina, c’était vraiment un profil à risque. Au point qu’elle faisait partie des profils sur lesquels j’évite de cliquer parce qu’ils me mettent mal à l’aise ou me font peur. Parce que c’est le problème d’Insta : tu sais jamais ce que tu vas trouver comme message avant de cliquer dessus. Alors, dans le doute, j’évitais les siens.

Jusqu’à ce jour, lors de ma recherche de maison pour hérisson. Parce que, en bonne maman que je suis, j’ai ouvert tous mes DM en espérant que l’un d’eux m’apporterait des réponses à mes questions. Malheureusement pour moi, celui-là m’a surtout apporté des reproches. Car dans le message de Sabrina, j’ai pu lire qu’aider un hérisson, c’était ridicule, et que les humains étaient plus importants. Bien sûr, j’ai répondu avec tact et sang-froid que les deux choses n’étaient pas incompatibles et qu’il n’y avait aucun rapport. Dans ma tête, c’était bien différent. D’abord, j’avais envie de lui dire qu’elle était complètement débile ; qu’évidemment, un hérisson est moins important qu’un humain, mais que, connasse, c’est pas du tout le sujet. Ensuite, j’avais envie de lui expliquer combien les animaux sont précieux, même un hérisson, encore plus lorsqu’on a conscience de leur rôle dans la biodiversité. Enfin, j’avais envie de lui recommander de fermer sa gueule, car moi, au moins, j’aide. Mais tout ça, je l’ai gardé pour moi.

En revanche, j’ai affiché son message en story. J’avoue, un peu pour la piquer. Mais surtout car je voulais partager ma réponse à d’autres personnes qui pourraient penser la même chose. MALHEUR. Après une nuit à rêver que je sortais avec Jonathan Cohen, je me suis réveillée avec dix vocaux dans lesquels elle me répétait de supprimer cette story, qu’elle voulait des droits d’auteure et que, vraiment, j’étais débile d’aider un hérisson. Et puis, à la fin, elle a ajouté qu’elle n’attendait surtout pas de réponse. Trois fois. Au point que j’étais persuadée qu’elle attendait une réponse. J’ai simplement supprimé les stories, mais après réflexion, j’aurais dû l’enculer bien profond et les laisser. Mais je suis une gentille, que voulez-vous, et je n’aime pas faire du mal aux gens. En tout cas, pas publiquement. Parce que dans ma tête, encore une fois, elle prenait si cher. Elle était pathétique. Dix vocaux, que je n’ai bien sûr pas tous écoutés. J’ai déjà du mal à écouter ceux de mes amies, j’allais pas écouter les siens, qui en plus, répétaient la même chose car elle n’était pas capable d’avoir un argument potable. Et puis, au lieu de simplement reconnaître que son message était débile mais qu’au moins, il avait permis de lancer le sujet de l’importance des hérissons, elle a laissé parler son égo, vexée d’apparaître dans une story qui montrait publiquement qu’elle avait tort, alors que son nom n’était même pas affiché.

À ce moment, j’avais qu’une envie, c’était de répondre à chacun de ses putains de dictas, avec, évidemment, des arguments.

 À mon grand regret, énervée, j’avais supprimé notre discussion pour éviter la tentation de la relire. Je ne peux donc rien vous partager. En revanche, je me souviens d’au moins trois messages vocaux.

Le premier disait : “Sauver un hérisson, c’est débile, à la limite un chien, ok.” Face à ça, j’aurais demandé en quoi un chien a plus d’importance qu’un hérisson. Et j’aurais aussi demandé si, comme Gégé, elle était borgne, car, de toute évidence, ce n’était pas dans un élevage de renom que je l’avais adopté… J’avais aussi envie d’ajouter qu’évidemment, aider un hérisson était bien moins important que d’aider un être humain, mais qu’accueillir un hérisson dans un jardin et lui donner trois croquettes par jour, c’est pas tout à fait la même responsabilité qu’accueillir un réfugié dans sa chambre, aussi charmant soit-il. Et, une fois encore, ça n’a surtout AUCUN PUTAIN DE LIEN.

Le deuxième parlait des droits d’auteur. Ma chère Sabrina, pour qu’il y ait droits d’auteurs qui protègent une œuvre littéraire, encore faut-il qu’il y ait… une œuvre littéraire. Et jusqu’à preuve du contraire, aussi poétique soit ton accent, il ne permet en rien de qualifier ta bouse de message d’œuvre littéraire. Enfin, la dernière partie m’incendiait et m’ordonnait de supprimer ma story. Si j’avais pris le temps de te répondre, je t’aurais dit que tu es une folle, extrême, déséquilibrée, leadée par tes émotions alors que tu as le double de mon âge et, qui plus est, incapable de lire la story en entier car, sur celle-ci, j’avais précisé : “La personne m’ayant partagé son avis sur le caractère ridicule des sauvetages de hérissons n’est pas méchante et nous avons pu discuter. J’utilise juste son message comme rebond pour vous faire connaître l’importance de cet animal.” En gros. Je pense donc définitivement aider les êtres humains en commençant par elle et en lui offrant des lunettes, faute de pouvoir lui offrir un cerveau.

Sabrina a donc fini dans les méandres des personnes bloquées. Mais malgré tout, je la remercie. D’abord, parce qu’elle a acheté mon livre et qu’elle l’a kiffé, et ça, ça fait plaisir (même si j’ai un doute sur le fait qu’elle achète le deuxième tome, du coup…). Mais surtout, parce qu’elle m’a fait réaliser à quel point l’être vivant est précieux pour moi, de l’abeille à l’humain, en passant par le hérisson. Et j’étais fière de moi. Fière de n’avoir même jamais eu, ne serait-ce qu’une petite seconde, ce genre de réflexion. Fière de savoir qu’une semaine après, j’allais accueillir un hérisson parce que oui, sa vie comptait presque autant que la mienne. Fière de ne pas lui avoir répondu parce que mon temps était trop précieux. Grâce à elle, j’étais fière d’être une meilleure personne, ce jour où j’ai adopté un hérisson. 

Et parce que quand vous lirez cette plus bonne de mes histoires, Harrysson sera sans doute arrivé, voici donc des photos de lui. 

UPDATE 18 MAI : il est toujours pas arrivé.

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11 réponses

  1. Sophie dit :

    Pfff y’a des gens qui doivent vraiment s’emmerder dans leur vie pour se mêler et juger celle des autres !!! Moi j’dis bienvenue à Harryson s’il arrive un jour😉😊

  2. Charlotte Noël dit :

    😂😂 j’adore ! C’est ce genre de personne qui parle beaucoup sur internet mais n’a pas beaucoup de cran dans la vraie vie. Elle n’a juste pas aimé se rendre compte du hors sujet de ses propos. Ou bien elle était juste jalouse de ne pas avoir de jardin pour sauver un hérisson…. 🤔
    Ça me ferait bien rire, si elle arrive sur cette chronique 😂😂😂

  3. Laura dit :

    Puis-je en conclure que Sabrina fait partie de la catégorie A? 😂

  4. Coralie Psc dit :

    Et une nouvelle Marie mêle tout (Expression du nord pour designer une personne qui s’occupe de ce qui ne la regarde pas)!
    Sabrina, Jennifer décidément il y en a pour tous les sujets .. ça doit vraiment être pénible à la longue.
    Heureusement que tout le monde ne soit pas pas comme ça !
    Pour revenir à des choses plus intéressantes … Merci pour le passage du tournevis 😀 ! (Seules les vraies ont la ref !)
    Harrysson j’adore le prénom !
    Bravo pour ne pas avoir perdu ton temps avec ce genre d’individus !
    Heureusement qu’il y a des personnes qui accueillent des hérissons, des chiens borgnes et qui mangent des légumes ou fruits dit “moches” !!
    Je n’ai pas été étonnée par cette story car tu restes selon moi fidèle à toi même, à tes principes !
    Bonne journée!
    Coco

  5. Coco dit :

    La vraie question : ou est Harrisson du coup ? Je m inquiète !! Plus que du sort de l autre connasse ..

  6. Léna dit :

    Je valide carrement la démarche, meme si j’ai une peur bleu des herissons (ouai c’est chelou je sais 😏 )

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