La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où on a tondu ma pelouse

bkg B Club

Mai 2023. Sans date exacte. À ma porte, ça frappe. Habituellement, ça sonne, mais depuis un bon moment, la sonnette ne fonctionne plus et, peu importent les piles qu’on lui fout dans le cul, elle est morte. Un peu comme moi y a quelques semaines quand un trou noir aussi gros que mon fiak m’a emportée. Il faut dire que ces derniers mois, je les ai légèrement subis, happée par mes propres émotions, mes histoires d’amour, mon intensité et mes obsessions. Un joli combo qui te pousse à terminer dans le lit, couchée, à bouffer que de la merde et à en redemander. C’était dans cet état que j’étais en mai 2023, quand on a frappé à ma porte.

Évidemment, je n’ai pas entendu.

Heureusement, j’ai en fait une sonnette qui ne nécessite aucune pile, à l’exception d’un peu de pâté : la GG ring. Mon petit borgne, depuis son panier, m’a informée d’une présence et, de ma fenêtre, j’ai jeté un œil. Un jeune homme. C’était un jeune homme. En réalité, je l’avais déjà vu. D’abord parce qu’il a un chien, et tous les mecs qui ont un animal ont toujours mes faveurs, et parce que dans mon village composé aux trois quarts de vieux, les hommes de 30 ans, on les remarque. Donc, je le connaissais, au moins de vue.

À cet instant, j’ai agi dans la précipitation mais surtout dans la survie. J’ai retiré mon pull troué sur l’épaule pour laisser apparaître un t-shirt Toy Story qui n’était de toute évidence pas mieux, redressé mes cheveux qui s’étaient emmêlés dans mon chouchou, passé un coup de langue sur mes dents, enlevé les crottes de mes yeux et surtout, surtout, j’ai enfilé un jogging. On était loin de la perfection, mais on n’avait rien d’autre. Je suis descendue, j’ai ouvert la porte et l’ai découvert.

Lui, il ne s’était probablement pas posé toutes ces questions et pourtant, il était bien plus sexy. Il avait ce qui me fait craquer : des gros bras. Pas ceux qui soulèvent de la fonte tous les jours à la salle et qui sont mieux dessinés qu’un Picasso. Non. Les vrais gros bras. Ceux qui sont sculptés par la force du travail, ceux qui ont des petites veines sur l’avant, ceux qui se terminent par des mains fines. Mes préférés. Je pourrais crever pour ces bras. Et mon vagin avec. C’est une passion et, rien que d’en parler, mon souffle se coupe.

Les siens, ils étaient comme ça, même si je reconnais ne pas avoir jeté un œil sur ses mains, et ça, c’est problématique. Mais, afin de romancer cette histoire, nous allons partir du principe que ses doigts étaient si élancés que leur place pourrait être ma chatte pour la vie. Mais là n’était pas le sujet, car lui, la seule raison pour laquelle il frappait à ma porte, c’était pour ma pelouse. La vraie. Celle qui semblait tout droit sortie de Jumanji dans mon jardin.

Pour celles qui me suivent depuis longtemps, c’est pas une nouvelle : le jardinage, ça me saoule.

Pour de vrai, une fois que je suis lancée, ça me plait plutôt bien. Tu bronzes en faisant une petite activité physique, musique dans les oreilles, sans penser à rien d’autre. Sur le papier, c’est pas si mal. Mais dans les faits, moi, ça me bloque deux heures, m’oblige à sortir ma tondeuse pourrie qui perd une roue tous les trois mètres, se coince dans la rallonge toutes les cinq minutes et parfois même se décroche en plein acte. Alors, quand ce bel homme — que nous pourrons appeler John pour celles qui ont la réf. — est venu proposer ses services, pour la première fois, telle une bourgeoise de village, j’ai sauté sur l’occasion. D’abord, je lui ai demandé ses tarifs et me suis sentie très mal à l’aise. Ensuite, j’ai pris son numéro et me suis sentie encore très mal à l’aise. Enfin, je lui ai dit que je l’appellerai et je me suis sentie toujours très mal à l’aise. En résumé, j’ai fait le taf, mais j’étais mal à l’aise. Cela dit, j’avais le numéro de John et un nouveau pote, parce que John, il était aussi bavard que moi. C’est ce que j’ai pu constater après avoir discuté avec lui pendant 50 minutes sur le perron.

Alors c’est vrai, quand il a fini par me quitter comme ils le font tous, j’ai eu quelques secondes de réflexion. Les fameuses secondes où tu envisages. Si, on les connait toutes. Les secondes où on se dit que « Boooh, il est pas mal », ou que « Ouiiii, c’est sûr, on n’a pas l’air d’être du même monde, mais pourquoi pas ». Fais pas genre, je sais. Tu sais. On sait. Parce que John, il était vraiment cool, il était drôle, gentil, serviable et pas mal. Mais… Il faut forcément un « mais » sur ce genre d’hommes, et le « mais », il ne s’explique jamais.

À dire vrai, je pourrais vous en parler plus, mais comme une grande businesswoman que je suis, j’ai décidé d’en faire un livre. Et oui, ceci est un spoil : dans le quatrième livre, nous aurons notre jardinier et toutes les aventures que j’ai vécues avec… En tout cas, celles que mon cerveau a vécues.

Mais puisque j’ai tout de même envie de vous faire kiffer et d’écrire sur John, voici la suite. Parce qu’évidemment, ma pelouse, il fallait vraiment la tondre. J’ai donc fini par lui envoyer un message. Il a débarqué dans la journée et, cette fois, j’avais sorti mes gros nichons, mes abdos apparents et mon énorme boule. Comme de par hasard, c’était un jour de lourde chaleur où j’avais des envies de bronzage et le maillot de bain était de rigueur. Il en a donc profité.

John a terminé la pelouse, a pris son argent, a discuté encore une heure avec moi, a caressé Gégé (mais pas ma chatte) et il est reparti.

Et après ça, John m’a envoyé un message. Puis deux. Puis trois. John me souriait plus qu’avant et me parlait plus longtemps. John s’intéressait à moi, à mes livres, à ma vie et s’en souciait même parfois. Trop souvent. Au point carrément de me faire légèrement peur… Mais le jardinier, c’est un gentil, un gentil qui excite finalement un peu… et que tu envisages ! Alors John, c’est clairement pas le mec avec qui je me marierais, encore moins dont je pourrais tomber amoureuse, mais John, c’est comme un bonbon, tu le suces… et tu finis même le paquet.

Bien sûr, nous avons eu de nouvelles interactions, toutes aussi gênantes les unes que les autres. La fois où, pendant que je lui parlais, mon pansement qui cachait mon gros bouton s’est barré ; la fois où il m’a entendue hurler mes ébats sexuels pas très glorieux alors qu’il était dans le jardin ; ou encore la fois où, perruque sur la gueule, déguisée en Patrick, je tournais des vidéos dans mon bureau et qu’évidemment, c’est à ce moment qu’il est venu me faire un petit coucou. Me jugez pas, je sais : j’aurais pu retirer le tout avant de lui parler. Oui. Mais de cette pièce, fenêtres ouvertes, j’ai une vue directe sur la porte d’entrée, alors autant assumer.

Pourtant, après tout ça, John continue de me faire la conversation pendant des heures, de m’envoyer des messages, de prendre de mes nouvelles et de faire attention à moi. Oui, John semble m’apprécier, à notre grande surprise à tous, et petit à petit, d’aventure en aventure, se fraie un chemin vers mon cœur et, nous l’espérons, vers ma chatte… En tout cas, une chose est sûre, c’est qu’il s’est glissé dans ma tête et, par conséquent, dans mon prochain romain. John, je te présente d’ores et déjà mes plus plates excuses pour tout ce que tu vas subir. Car, c’est certain, il sera l’un des personnages principaux. C’est ce que j’ai compris, ce jour où on a tondu ma pelouse.