La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où je suis partie en vacances avec ma famille

Samedi 20 août 2022. Je terminais mes vacances avec ma meilleure amie, celles qui nous avaient coupées d’internet, confrontées à la pluie et fait découvrir la ville très mignonne mais néanmoins franchement morte du Mans. Je quittais mes vacances avec ma meilleure amie qui, malgré tout ça, restaient des vacances avec ma meilleure amie pour rejoindre ma famille dans notre maison bretonne.

C’est un rituel.

Chaque été, pour une dizaine de jours, on se retrouve pour profiter ensemble. Ma mère, mon père, ma sœur, son amoureux et mon neveu. Parfois même, on y ajoute des extras : cousines, oncles, tantes éloignées ou amis proches. En somme, c’est souvent rythmé.

De manière globale et pour être honnête, c’est toujours un plaisir. Presque toujours. Si on met de côté les quelques accrochages parce que certains mettent du sable sur une serviette qui n’est pas la leur ou décident de débattre sur le Covid. À l’exception de ces détails, l’ambiance est toujours bonne. Et cette année n’a pas dérogé à la règle.

J’ai retrouvé ma famille dans notre petite campagne, là où l’air est plus agréable, la mer pas très loin et la douceur de vivre bien présente. Le matin, on se levait quand on le voulait. Surtout quand mon neveu le voulait, pour être honnête. On déjeunait calmement ou avec de la musique trop forte, on promenait les chiens dans les champs, on bronzait sous le soleil trop intense ou on se réfugiait dans la maison parce qu’il pleuvait. On mangeait une crêpe en bord de plage, on enchaînait avec une bière puis une glace. On refaisait le monde dans le jardin avec l’apéro, le barbecue enfumant chacune de nos paroles. Et enfin, étalés sur le canapé, les plus téméraires s’installaient devant un film, tapotant sur leurs claviers ou scrollant sur leurs smartphones. De vraies vacances, comme moi je les aime.

Mais cette année, si tout était pareil, une chose allait tout changer.

Parce que cette année, ma cousine venait passer quelques jours avec nous. Ma cousine, c’est une fille drôle, légère, simple, facile à vivre et sans prises de tête. C’est un rayon de soleil. Au sens propre. Elle débarque du Sud, cheveux qui sentent la mer et peau naturellement bronzée. C’est une fille super, enthousiaste, bienveillante et gentille. Surtout gentille. Tellement gentille qu’elle s’était donné pour mission de me trouver l’amour. J’aurais pu vous mentir et vous dire que c’est tout le temps comme ça, quand on est une trentenaire célibataire. Mais c’est faux. Dans mon entourage, j’ai la chance que personne ne veuille me caser, que tout le monde se tape de mon célibat et que personne ne m’emmerde. Mais cette fois, ma cousine entretenait un cliché qu’elle n’est pourtant pas, probablement persuadée qu’elle pouvait me faire ressentir des papillons dans le cœur, qui s’étaient envolés depuis longtemps.

Discrètement, autour de notre premier déj les pieds dans le sable et le Coca Zéro à la main, elle a lâché la bombe :

— J’ai un ami qui habite dans le coin, il va nous rejoindre.

C’est tout ce qu’elle a dit. Un ami dans le coin. Et puis, elle a ajouté une phrase. Une phrase qui m’a permis de comprendre que oui, elle avait tout planifié.

— Il est célibataire.

Elle a osé. Elle a osé, autour de cette table familiale, ajouter un élément masculin, de mon âge et célibataire. Encore une fois, ce n’était pas son style. Alors, quelque part, je me suis persuadée que si elle avait manigancé cette rencontre, c’était que vraiment, elle y voyait un intérêt.

Alors, à ma grande surprise, je me suis intéressée. Je l’imaginais grand, avec de grosses épaules, un sourire soutenu par des fossettes et de grands yeux rieurs.

— Il arrivera pour le café, a-t-elle précisé.

Je devenais presque impatiente. J’ai enfilé les moules aussi vite qu’un acteur porno et j’ai pressé toute la tablée pour qu’elle fasse de même. À peine avait-on englouti la dernière frite que j’ai ordonné au serveur de nous donner la carte, en précisant à ma cousine qu’elle pouvait prévenir son ami que le café n’était pas loin.

Dames blanches et fondants au chocolat commandés, je l’attendais, celui qui allait faire battre mon cœur autant que le sucre dans mes veines. Descendant les marches, accrochant de pleine main la corde qui le soutenait, il est arrivé au loin : polo bleu qui n’arrivait pas à mouler son corps tant il était fin, bermuda qui laissait apparaître des mollets de poulet, lunettes sur le nez cachant à peine son strabisme. Il aurait pu me plaire, bien qu’il ne répondît en rien à mes critères de beauté. Finalement, il ressemblait presque à mon ex. J’en ai définitivement conclu qu’il pouvait me séduire. Je lui ai donc laissé une chance. On le sait : le physique, ça ne fait pas tout. Et puis, un strabisme, c’est pratique : il pourra avoir un œil sur chacun de nos enfants. Il a fini par me plaire. Jusqu’au moment où il m’a saluée, m’indiquant son prénom. Jérôme. Il s’appelait Jérôme. Comme mon chien. Borgne.

J’ai, une fois encore, essayé d’être indulgente. Après tout, je pouvais lui trouver un surnom. Ou l’appeler par son deuxième prénom, en priant pour que ce ne soit pas celui de mon père. Il a salué tout le monde, s’intéressant sincèrement aux autres et principalement à moi. Il m’a posé des questions sur moi, mon métier, mes goûts et mes centres d’intérêt. J’ai fini par en faire de même.

Un poste dans les finances dont je ne me souviens plus le nom, 32 ans, habitant à Paris mais profitant souvent de la campagne, un poil addict aux jeux vidéo et bourré d’humour.

Jérôme avait beaucoup de choses. J’aimais son côté banquier, pragmatique, rigoureux, avec de l’autodérision et du caractère, de la prestance sans autorité, de la force et de la douceur. Ma cousine avait vu juste : ce grand gaillard d’apparence pas très hardi me plaisait. Vraiment. J’ai donc tenté de devenir ma meilleure version, celle qui est supposée donner envie à un homme de m’épouser mais qui fait souvent de moi soit une badbitch agressive qui protège son petit cœur en lançant des piques soit une débile qui bégaye, incapable de sortir une phrase qui a du sens. Cette fois, j’étais un mixte des deux. Je répondais à côté de la plaque, quand j’arrivais encore à la voir. Lorsqu’il me charriait, je me sentais agressée et lui sautais au visage, avant de sourire bêtement en lui jurant que c’était une blague. Scoop : au vu de mes blagues, je ne suis pas près de devenir humoriste.

Ma cousine m’a emmenée à l’écart, elle, experte des hommes. Elle m’a briefée, m’a dit d’avoir confiance, d’être simplement moi-même. À toutes les personnes qui nous conseillent d’être nous-mêmes… La salope agressive, c’est aussi nous-mêmes. Et vos conseils de merde ne l’aident pas à abandonner. J’ai respiré un grand coup et repensé aux énergies féminines de ma psy. « Laisse-leur la place », m’aurait-elle dit. Je me suis réinstallée à table et, alors que je m’apprêtais à me montrer plus ouverte, moins sur la défensive et plus apte à laisser entrer quelqu’un dans ma vie, il s’est levé pour partir. Je l’avais fait fuir. Littéralement. Il m’a simplement saluée et, quand j’ai eu le courage de lui proposer de se revoir durant mes vacances, il m’a dit qu’il repartait à Paris deux jours après. C’était faux. Ma cousine m’avait expliqué qu’il restait jusqu’au 15 septembre. C’est à ce moment que j’ai compris. Que j’ai compris qu’il me bazardait.

Je venais de me faire jeter par un geek des finances qui passait ses journées à calculer les dépenses de Madame Dupont dans des sacs de luxe et les terminait en jouant à Call Of pour exterminer sa peine. Ce mec, à qui je n’aurais normalement pas même laissé une chance, venait de me mettre un vent. Et plus il s’éloignait, plus il me plaisait. Jérôme. Je fantasmais sur un Jérôme. Je l’imaginais me bloquer difficilement contre le mur avec ses bras treize fois moins gros que mes cuisses, essayé de me soulever sans jamais y arriver et je me voyais terminer à genoux devant sa bite qui devait être aussi fine que son buste. Ils sont les pires. Ces mecs qui t’attirent par leurs âmes. Et qui te rejettent pour la tienne.

Je suis rentrée chez moi avec mes proches, admirant leurs couples et leur amour. Tête bloquée contre la vitre de la fenêtre, je repensais à Jérôme dont je n’ai jamais plus eu de nouvelles, et j’ai compris que j’étais peut-être passée à côté de l’homme de ma vie, ce jour où je suis partie en vacances avec ma famille.

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12 réponses

  1. Laurent camille dit :

    😂 😂 😂 😂 Ça reste mon meilleur rdv de la semaine tes chroniques

  2. Leveque Nadège dit :

    Moi , je dis qu’il ne t’aurait pas convenu de tout de façon ! Il aurait reluqué tes comptes … trop de conseils dont tu te fous

  3. Dechaudat Émilie dit :

    Pourquoi quand qqun nous plait, on n’est plus naturelle ?? Il faudrait qu’ils soient au courant pour qu’ils nous donnent une seconde chance voire plus 😉 Je me réjouissais d’une belle happy end 😢
    Courage !!!

  4. Coralie Psc dit :

    Je pense qu’on se stress automatiquement si on sait que cette personne est venue pour nous. J’imagine que ton comportement envers lui aurait été différent si tu pensais qu’il s’intéressait a quelqu’un d’autre 🙂

    Mais par contre quelle idée de s’appeler Jérôme ? Imagine a la maison ! “Gégé ? Et la les deux se retournent” 😅

    Merci pour la nouvelle 😘

  5. Gwen dit :

    Après 12 ans passés avec quelqu’un avec lequel j’ai joué la carte de la meilleure version de moi-même lors de notre rencontre et à ne pas être heureuse, je suis aller digérer ma rupture chez une amie.
    Tous les vendredis soirs pendant plus d’un mois à évacuer ces 12 ans.
    Et en même temps un ami de son mari squattait pour digérer son divorce à venir.
    Au début aucune accroche de mon côté, il me plaisait pas et j’avais envie de tout sauf de me remettre en couple.
    J’ai donc passé 1 soirée/nuit par semaine voire plus chez ce couple d’amis à lâcher la pression et lui aussi.
    Aucune drague au contraire on a sorti tous nos pires dossiers.
    Et plus d’un mois plus tard, il y a eu un regard complice qui a tout changé.
    1 an et depuis plus tard on est toujours ensemble et avec lui pas de faux semblant car on s’est connu en mode zombie dépressif pouilleux 😂😂😂
    Moralité : la drague c’est pas pour moi! Venir aux soirées en leggings troués, pas maquillée les cheveux gras et avec le bide gonflé de gaz à cause de mes règles oui 😅😁

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