La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où je suis allée faire une dédicace sauvage chez Monsieur Grosses Couilles

Samedi 30 avril 2022. Je me suis retrouvée, en terrasse, au soleil, à manger un plat grec dont personne ne connaît le nom. Je profitais du moment au milieu de Saint-Ouen, dans ce resto branché de banlieue, parce qu’en bonne ex-Parisienne, je sais que « la banlieue, c’est le nouveau Paris stylé » #Jeremydansnoscœursforever. C’est en tout cas ce dont je me persuade depuis que j’habite à plus de 40 kilomètres de la tour Eiffel.

Il était d’ailleurs temps de les engloutir eux aussi, ces 40 kilomètres, et de rentrer dans ma campagne.

Mais avant, parce que la géographie le permettait, je me suis autorisé un petit détour dans deux magasins partenaires pour y faire une dédicace sauvage. Les dédicaces sauvages sont toujours un moment de joie. D’abord parce que je sais que mes lectrices sont ravies, mais surtout parce que je vois mes bébés en rayon. Je les admire, au milieu de ceux des grands auteurs réputés, exposés dans le top 3 ou en tête de gondole. Alors oui, les dédicaces sauvages sont toujours un pur bonheur. Sauf ce jour-là.

Tout a commencé lorsque j’ai checké mes stocks. Pour vous recontextualiser, en partant du principe que vous avez loupé mes nombreux rappels relou sur Insta, je bosse avec Carrefour (oh yeah). C’est simple : une centaine de leurs magasins mettent mes livres dans leurs rayons. Et ça, c’est vraiment très cool. Enfin, en principe. Parce que certains, ces gros cons, les gardent dans leurs cartons. Et clairement, s’ils ne sont pas en rayon, c’est compliqué de les trouver et, a fortiori, de l’acheter.

C’est donc cette problématique qui m’a causé du tort ce samedi 30 avril. J’ai débarqué dans l’un des magasins de banlieue, que je ne citerai pas par respect pour l’enseigne, mais qui commence par « Cla » et qui finit par « ye ». Dans ce magasin, il n’y avait eu aucune vente. AUCUNE. C’était donc ma mission de donner de la visibilité à mes romans.

Pleine d’ambition, stylo en main, égo bien surdimensionné, j’ai débarqué là-bas. Mais à mon arrivée, impossible de trouver mes chefs-d’œuvre. J’ai fouillé partout pour dénicher mes livres mais aussi un employé. Ça a été un échec.

Et puis, ils ont débarqué, les deux cowboys.

Un homme et une femme. Ou devrais-je plutôt dire : un ⭐HOMME⭐. Parce qu’alors que la femme semblait être sa collègue, visiblement au même niveau de hiérarchie, elle agissait comme sa soumise, tapie dans son ombre, validant chacun de ses dires sans les remettre en question et n’osant pas intervenir dans nos échanges. Et pourtant, il y avait de quoi faire.

Il a commencé en me disant que mes livres n’étaient pas dans leur magasin. Du tout. Ce à quoi j’ai répondu, avec toute l’humilité dont j’étais capable, que si, car j’étais l’auteure mais aussi l’éditrice et, par conséquent, celle qui s’occupait de la distribution. De là, ce monsieur aux grosses couilles a balbutié et a osé, avec aplomb, m’avouer qu’ils devaient être « dans le bordel de la réserve ». À ça, ma seule réponse, simple, efficace, mais surtout évidente, a été :

« Et donc ? ».

Parce que ce genre de réponse n’est tout simplement pas acceptable, qu’elle soit adressée à l’auteur, à l’éditeur ou au client. Évidemment, Monsieur Grosses Couilles le savait très bien, et plus encore, il avait conscience qu’il était en tort. Mais ça, il ne pouvait pas le reconnaître. Surtout devant une jeune femme de la moitié de son âge. Alors, sa dernière solution a été la plus évidente et la plus triste : il s’est énervé. Il a vogué entre les « Mais comment ça, vous êtes en auto-édition ? Vous êtes venue avec votre petite voiture et avez déposé vos romans dans nos rayons ? », les « Eh bien, si vous voulez vos livres, allez les chercher en réserve ! », les « Vous êtes même pas capable de me montrer la couverture de votre livre en photo » ou encore les « Mais c’est pour tous les produits pareil, Madame, on peut pas tout mettre en magasin ! ».

Et surtout, il a osé. Il a osé me rétorquer, lorsque je lui ai demandé « Alors, comment on fait ? », que ce n’était pas son problème. Ce gros con, dont le travail est de mettre à disposition des produits que SES clients veulent ACHETER, a eu le culot de me dire que ce n’était pas son problème. Mais espèce de débile, s’il y a bien quelqu’un dont c’est le problème, c’est toi ! Parce qu’en réalité, moi, mes livres, ils ont déjà été payés (les joies de bosser avec un gros groupe). Alors, ne nous mentons pas, s’ils ne se vendent pas, c’est mauvais pour mes affaires, car il n’y aura pas de nouvelles commandes ; mais si cela ne concerne qu’un seul magasin, gros nigot, celui qui est dans la merde, c’est toi.

De manière générale, je suis pas du style à perdre mon sang-froid, contrairement à ce qu’on pourrait penser.

J’ai gardé mon calme et, forcément, quand un connard qui a tort et qui fulmine se retrouve en face de quelqu’un qui a raison et qui est détendu, il finit par se trouver des excuses. Donc, après le « Ils sont perdus dans la réserve », j’ai eu droit à « C’est pas de ma faute, on m’a supprimé 33 éléments ». Et, pour me mettre en porte-à-faux, il a ajouté : « Vous savez ce que c’est, 33 éléments ? » Évidemment, je ne le savais pas. Et, en plus de le lui dire, je lui ai surtout confié que ce n’était pas mon problème. Après quoi, il m’a regardée avec mépris et arrogance, avant de me piquer en soulignant que maintenant, les rôles étaient inversés, soutenu par son toutou à ses côtés. Pourtant, c’était vrai, ce n’était pas mon problème. Mon problème, c’était que mes lectrices venaient dans son magasin et qu’elles ne trouvaient pas mes livres. Mais mon vrai souci, c’était surtout que lorsqu’elles le demandaient, personne n’était capable de le leur donner. En réalité, j’avais bien compris que les 33 éléments supprimés, sans savoir exactement de quoi il s’agissait, l’empêchaient de mettre toutes les œuvres distribuées en rayon. Et sur ça, j’étais même prête à entendre la problématique. En revanche, qu’il ne soit pas en mesure de donner les livres qui étaient en réserve aux lectrices qui le réclamaient, ça, c’était inacceptable.

Tout a fini par s’adoucir. Il ne s’est jamais excusé, mais a été au moins en capacité de me parler correctement, et surtout de m’écouter — bien qu’il ait continué à douter de la véracité de mes propos. C’est aussi ça qui m’a rendue folle. La manière dont il me traitait, comme si je mentais, à insister sur le fait qu’il ne connaissait pas la personne avec qui j’avais échangé alors même qu’il s’agissait du bras droit du directeur national. J’ai presque dû lui montrer mon contrat et la liste des autres magasins partenaires. Et je crois que ce qui l’embêtait, c’était que je faisais beaucoup plus le taf que lui, et que ses grosses couilles n’étaient pas aussi grosses que mon cerveau.

Finalement, les deux ont fini par se ranger de mon côté. Elle en ouvrant enfin sa gueule pour dire que oui, elle voyait très bien de quels livres on parlait car on les lui avait demandés à plusieurs reprises (j’ai eu envie de la buter), et lui en promettant que le troisième tome serait bien en rayon et en ajoutant qu’en plus, ça pourrait être super sympa que je vienne lors de l’installation. J’ai esquissé un léger sourire, ravie de voir combien l’HOMME peut être parfois bête, arrogant, condescendant, illogique, borné et sans aucun recul. J’ai esquissé un léger sourire en constatant qu’il n’avait pas d’autre choix que de reconnaître lui-même qu’il avait tort. J’ai esquissé un léger sourire en me disant que finalement, c’était MES grosses couilles qu’il léchait.

Je n’ai pas eu gain de cause pour autant. Mes livres ne sont toujours pas en rayon, mais s’ils les trouvent, ils les mettront — c’est ce qu’ils m’ont dit. Malgré tout, j’ai gagné (si on considère que c’était un combat). J’ai gagné parce que toute cette histoire m’a rappelé à quel point j’ai un métier qui me passionne et qui me pousse à donner le meilleur de moi-même, sans jamais être dans cette routine qui détruit sans doute ce connard, à en croire son attitude. Je me suis rappelé combien j’ai de la chance d’être heureuse, ce jour où je suis allée faire une dédicace sauvage chez Monsieur Grosses Couilles.

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6 réponses

  1. Coralie Psc dit :

    J’aurai juste à ajouter et on l’emmerde 🙂

    Merci pour cette petite histoire, je suis actuellement dans mon lit (la grippe en juin c’est un peu con quand même) et ça m’a permise de rigoler un peu.

    Le jour où les femmes seront considérées a leurs juste valeurs .. Effectivement si tu étais un homme en costard tu n’aurais clairement pas eu ce genre de problème..

    Bravo de gérer ta société et d’être autant impliquée !

    Hâte de recevoir ta box de précommande !

    Bon courage !

    A bientôt

    Coco

  2. Mégane Fouet dit :

    C’est quand même dingue comment certaines personnes se pensent supérieur aux autres alors que ce n’est pas réellement le cas… Il se permet de douter de ta sincérité sans même chercher à se renseigner.
    Et puis cette capacité à ne jamais se remettre en question c’est quelque chose que je ne comprend pas… Mais bon moi je suis du genre à me remettre en question 300 fois par jours et ce n’est peut être pas mieux finalement…
    En tout cas merci pour cette plus bonne de tes histoires encore une fois 😁
    Mégane

  3. Lidwine LASSALLE dit :

    Trop envie de me tatouer ta réplique Insta “j’ai peut-être pas de couilles mais j’ai un cerveau” 😀

  4. Célie dit :

    Bravo pour l’histoire et double bravo pour le sang froid. Je pense que j’aurai fini par gueuler comme une scandaleuse jusqu’à ce qu’ils me sortent le livre ou me sortent tout court 😂.
    C’est toujours un plaisir de te lire et bon courage pour la dernière ligne droite avant la sortie du 3 (que jattends avec impatience suprême).
    🎉😚

  5. Gwendoline DURAND dit :

    Franchement bravo d’avoir réussi à garder ton sang froid !!!

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