Lundi 10 avril 2023. Depuis plusieurs mois — que dis-je, années —, j’ai envie de devenir blonde. Un classique. Les cheveux raides veulent des boucles, les brunes être blondes et les carrés avoir les cheveux longs. Un classique. Alors moi, mon petit châtain, il rêvait de ressembler à toutes les meufs d’Instagram, celles aux cheveux couleur or, au corps parfaitement sculpté posé sur une planche de surf, au visage de poupée. Parce qu’en ayant leur crinière, je m’imaginais avoir tout le reste. Soyons honnêtes, les bourrelets ne bougeraient pas. Et ce n’était pas le seul truc qui comptait ne pas me quitter. Mais reprenons depuis le début.
Lundi 10 avril, dans la voiture avec mon couple d’amoureux préféré, 16 h.
Nous revenions d’un vide-grenier, leurs valises pleines de fringues pour remplir leur friperie, leurs cœurs gonflés d’amour et le mien toujours bien vide. À l’arrière du véhicule, déprimée, je voulais du changement. Et on le sait, le changement, ça passe par la coupe de cheveux. Bon, le changement, c’est aussi maintenant. Mais ça, c’est pas le même slogan.
Je me suis contentée de la coupe de cheveux, abandonnant la politique, et j’ai lâché la phrase qu’il ne fallait pas devant un couple de gays (oui, c’est cliché, mais c’est vrai) :
— J’ai trop envie de me faire en blonde.
Il n’en fallait pas plus ; d’un accord commun, ils m’ont motivée, m’ont conseillé un super coiffeur qui avait fait des merveilles sur l’un d’eux et m’ont même tendu le numéro. Coup du sort, j’ai appelé et il m’a proposé un rendez-vous 30 minutes après, temps exact qu’il me fallait pour atterrir dans ses mains que je pensais expertes.
C’est ce qu’il m’a fait croire en m’installant confortablement dans ce qui ressemblait à un salon, en m’offrant un café ou un thé, en me shampouinant la gueule et en me proposant son fucking soin qui coûte un ovaire qu’on ne veut jamais. Et puis, il a attaqué, il a foutu son vieux blond sur certaines mèches. Ou devrais-je dire sur certains endroits. Comme des gros pâtés dégueulasses. Des merdes. Des énormes merdes disparates sur mes boucles d’ange. À la fin du process, j’y ai cru. Et sincèrement, quand tu sors de chez le coiffeur, tu y crois toujours. Déjà, parce qu’il te balance toujours la même phrase : « Nan, mais vous inquiétez pas, ça va se mettre en place avec le temps. » Avec le temps ? AVEC LE TEMPS, CONNASSE ? Tu veux dire une fois que ça aura repoussé et que des fourches auront remplacé mes pointes ? Et comme une conne, j’ai pensé que c’était vrai. Encore plus après avoir payé 120 €. J’y ai cru… jusqu’au lendemain. Une fois que mes cheveux s’étaient « mis en place ». Et quelle place ! Si la coupe n’avait finalement pas bougé, car la pouffe aux ciseaux pourris n’y avait pas touché, la couleur, elle, était une cata. Et les jours qui défilaient n’allaient rien arranger.
Rapidement, je me suis rendu compte que ma perruque était un savant mélange entre des merdes de pigeon sur un parebrise et la coupe de François Civil dans Bac Nord. Et, aussi charmant soit-il, son blond pisse était affreux. Encore plus sur moi.
Alors, je devais m’y résoudre : il fallait y retourner, chez le coiffeur. Et, bien sûr, dans un autre. Car certes, j’aurais pu demander le remboursement ou, tout du moins, une nouvelle couleur. Mais si, déjà, l’heure de route qui me séparait du salon me démotivait, c’est bien le manque de talent qui a fini de me convaincre. Après une telle catastrophe, il y avait une chose dont j’étais sûre : je ne voulais pas que ce salon retouche de nouveau ma tignasse. Direction mon coiffeur habituel. Lui, il n’a rien d’exceptionnel, mais il me convient. Et puis, normalement, je ne demande rien d’autre que de couper un peu, et l’avantage, c’est que sur des cheveux bouclés, tu peux rarement te louper. Je l’ai constaté de nouveau. Car, elle, telle une sauveuse, elle a attrapé mes crins, les a critiqués, m’a reproché de lui avoir été infidèle et m’a promis de tout arranger. Bien sûr. Mais la Corine, c’était pas non plus Franck Provost. Elle aussi, elle m’a chiée. Un peu moins, mais elle m’a chiée quand même. Tout ça pour 100 €. Encore. Sur ma tête, je reconnaissais du blond. Enfin. Mais que sur certaines mèches. Elle l’avait pourtant répété : « Oui, vous voulez quelque chose de naturel. » OUI, DE NATUREL. Excuse-moi, Corine, mais jusqu’à preuve du contraire, des grosses mèches plus claires sur mon crâne, c’est pas naturel. Non. Mais je l’ai pardonnée. Après tout, elle partait avec des taches couleur pisse à rattraper. Ce n’était pas si mal
Je suis ressortie de tout ce merdier avec un compte en banque allégé et un blond plus ou moins réussi. Évidemment, elle m’avait servi la deuxième phrase préférée des coiffeurs : « Ne vous en faites pas, ça va s’éclaircir avec le soleil. » Et cette fois, je lui dois bien ça, elle avait raison. Durant tout l’été, le soleil, il a fait le taf. Je me suis retrouvée avec un joli blond. Ou presque. Car, lorsqu’est arrivé septembre, une fois le beau temps remplacé par les nuages et la pluie (ou plutôt par les canicules qui nous enferment chez nous), j’ai eu envie d’éclaircir. Et, ayant retenu la leçon des instituts, j’ai pris la décision de le faire seule.
Au détour d’un rayon, j’ai mis dans mon panier le précieux, le Graal : la coloration.
Un truc simple, classique, qui avait pour but de me rendre plus blonde. Après deux jours d’attente car — la notice était claire — il fallait avoir les cheveux sales, j’ai enfilé les gants qui se sont percés tel mon hymen au premier doigt, et j’ai appliqué sur mon cuir chevelu ainsi que sur les longueurs ce produit à l’odeur nauséabonde qui tachait plus mon visage qu’autre chose. Dans le miroir, j’ai regardé les effets, un peu inquiète, pour, après 30 minutes, foncer sous la douche dans l’espoir d’y voir Britney (la version blonde des années 90, pas la version rasée).
Et là, stupeur. J’étais châtain. Comme avant. Plus une mèche blonde. Rien. J’ai séché encore plus, me suis arraché le crâne avec la serviette, espérant que l’effet ne soit que celui des cheveux mouillés. Mais non. J’étais redevenu châtain, alors même que quelques minutes avant, je touchais enfin le blond de mes rêves du doigt. J’avais tout gâché. Toute seule. Comme une vengeance des coiffeuses du monde entier.
Pour me convaincre, je me suis regardée dans tous les miroirs, j’ai observé tous les reflets, tenté de prendre la lumière et me suis persuadée que les shampoings feraient réapparaitre mon blond. Mais non. Ce n’était donc pas pour moi.
Mais, bien trop persistante, je m’en étais fait la promesse : je ne lâcherais pas. Je serais blonde. J’en avais visiblement déjà l’attitude (ok, c’était trop facile, mais il en fallait bien une petite. D’ailleurs, c’est quoi ces blagues sur les blondes ? Genre, ça existe encore ? On continue de croire que la couleur des cheveux a un impact sur le degré d’intelligence ? Et c’est vraiment les gens qui inventent ce genre de vannes qui se pensent donc plus intelligents que les fameuses blondes qu’ils critiquent… Hmm, intéressant). C’est ce que j’ai compris, ce jour où j’ai voulu me teindre en blonde.