La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai eu mes règles chez mon crush

bkg B Club

Lundi 31 octobre 2022. Halloween. Deuxième jour de règles. Tout était annoncé et pourtant, je n’avais pas imaginé cette journée si sanglante. Toutefois, j’y étais habituée. Chez moi, les menstruations (on dit encore ça ?) sont très violentes. Pour faire plus clair : je fais des hémorragies. Le genre qui te détruit ta culotte de règles en une heure, qui t’oblige à rester sous la douche pour te vider et qui te fait perdre des caillots de sang. Charmant.

Mais cette fois-ci, une donnée venait perturber mes habitudes : un homme.

Le fameux dont je vous parle depuis plusieurs mois. C’est que ça dure (presque), cette histoire. Encore faudrait-il qu’on se considère en couple et qu’on se voie plus d’une fois tous les dix jours, mais à cette exception, ça dure. Et justement, c’est à cause de cette fucking fréquence de merde à laquelle nous nous donnons rendez-vous que j’ai niqué mon calme menstruel. Parce que, outre mes hémorragies, c’est bien d’autres symptômes qui me frappent la gueule lorsque j’ai mes règles. Sans surprise : la migraine, la douleur dans les reins, les sautes d’humeur. En somme, un joli combo qui t’éloigne de celui que tu veux séduire. Eh bien, pas chez moi. Chez moi, on prend la décision insensée de le voir. Bien sûr, j’avais bien conscience de la situation dans ma chatte, mais, on y revient, on ne s’était pas vus depuis plusieurs jours et, pauvre loque humaine en perdition de son cœur que je suis, j’étais en manque de sa personne. Puis, point non négligeable, il m’a proposé de venir chez lui. Pour la toute première fois.

Son chez-lui, c’est sacré. Au point que je me suis demandé s’il me cachait pas une meuf. Ne rigolez pas, j’y ai vraiment pensé. Des semaines qu’on se fréquentait et il ne m’avait toujours pas invitée. J’y voyais un signe. Alors, quand enfin, il m’a proposé de venir, ce lundi 31 octobre, je n’ai pas hésité, oubliant tout, en commençant par ma muqueuse en crise. Je lui ai fait confiance, aveuglément. Avant de décoller de chez moi, je lui ai fait la morale. J’ai remis une culotte propre, ajouté une serviette et un tampon. La totale. Celle qui te fait ignorer tous tes principes de lutte contre le choc thermique ou pour le bien-être de la planète. À ce moment, j’étais même déterminée à me foutre trois tampons dans le vagin s’ils m’assuraient un zéro-risque. J’étais prête. Prête à découvrir le monde de celui qui était déjà le mien (j’en fais trop, mais TMTC que c’est presque ça tellement je suis piquée ; on est mal, vraiment).

C’était donc le moment.

J’ai cherché son nom sur l’interrupteur, je l’ai appelé avec ma petite voix pour lui dire que j’étais là et il m’a ouvert. À ce moment, il n’y avait plus de règles. Il n’y avait que moi, privilégiée, qui débarquait chez lui. Je me sentais comme une star. J’ai visité les lieux, inspecté les livres qui étaient sur sa bibliothèque, joué avec ses chats qui m’ont détruit les mains et fait croire que je les adorais. Tout se passait à merveille. Jusqu’au moment où je l’ai senti.

J’aurais pu vous dire que c’est de sa bite que je parle, mais non, il s’agit bien de cet utérus. Toujours lui. Dans ma culotte, c’était le drame. Je pouvais sentir ma muqueuse se déchiqueter. En à peine une heure, tout était rempli. Pire, tout débordait. J’ai prétexté un pipi et foncé aux toilettes. L’un des chats m’a accompagnée, voguant entre le soutien et le jugement, interloqué par la ficelle du tampon qui dépassait. C’était le drame. Et je ne parle pas uniquement du chat qui m’a sauté à la jambe pour jouer avec la cordelette. J’en avais partout. Le tampon se faisait la malle alors même que je m’installais sur les chiottes, la serviette était imbibée de sang et la culotte tachait mon entrecuisse. La panique. Évidemment, je n’avais pas prévu de rechange : ni sous-vêtement, ni serviette, ni tampon. Une débutante. J’étais une débutante dans les WC du mec dont je tombais amoureuse et qui me faisait découvrir son chez-soi pour la première fois.

À cet instant, j’aurais dû être une adulte, sortir des toilettes, lui expliquer que je faisais une hémorragie, prendre quelques minutes pour aller au supermarché, m’acheter un slip et un tampon et revenir tranquillement. Mais ça, c’est pas moi.

Moi, j’ai préféré rester sur les chiottes, vérifier qu’aucune goutte de sang ne tombait sur la gueule du chat, refuser de jeter ma serviette plus qu’usagée pour ne pas que mon crush la retrouve dans sa poubelle et attendre que la mort vienne me chercher. Tout ça en un temps record pour, évidemment, ne pas paraître louche, ou pire, qu’il pense que je chiais chez lui.

J’ai donc fait ce que je savais faire de mieux : feinter que tout allait bien. J’ai remis ma culotte, ma serviette, j’ai jeté le tampon et prié pour que rien ne tache mon pantalon. Mon plan était simple : quitter le plus rapidement possible les lieux, sans, une fois encore, paraître louche. Je me suis déguisée, j’ai osé être la version la plus loufoque de mon être et fini en Claude, le cul noyé dans mon propre sang, au milieu de son salon.

Photo envoyée à mes copines à la sortie du date de l’enfer

Je l’ai finalement quitté, heureuse d’avoir réussi à affronter cette épreuve sans trop de pertes.

En tout cas, c’est ce que je croyais. Car, après plusieurs minutes de route pour aller à ma soirée déguisée, en sortant de ma voiture, sur mon joli siège blanc, j’ai pu admirer une tache. Une grosse tache rouge. En quelques secondes, la révélation. Si mon siège était rouge, c’était que mon pantalon l’était aussi. J’ai jeté un œil entre mes jambes et constaté le drame. Mon jean était recouvert de sang, devant et derrière. Dans ma tête, les questions fusaient : depuis quand était-il là ? L’avait-il vu ? C’était donc possible qu’en quelques minutes, après avoir quitté les toilettes, tout ait merdé ? Avais-je taché son canapé ? Ou pire, lui, en lui faisant un câlin d’au revoir ? Et tout ça déguisée en Claude ?

J’ai envoyé un message à ma pote, la suppliant de me prêter un boxer de son mec — car son petit 34 n’aurait pas pu accueillir mon grand 40 —, de me préparer la douche et de me sortir un tampon de secours. Je n’avais qu’une envie : arriver chez elle. Je clapotais dans ma propre substance, me sentais si sale que je me dégoûtais et surtout, surtout, me détestais de ne pas avoir pris les choses en main avant d’en arriver à ce drame. Dans l’ascenseur qui menait à ma libération, j’ai lâché une larme. Une qui n’avait aucun sens, car il n’y avait rien de grave en soi, mais qui était dictée par les hormones, les mêmes qui avaient fait de mon rendez-vous magique un moment de merde. Déjà qu’il me prenait très souvent pour une folle, toute cette situation n’avait sans doute rien arrangé. La dernière image qu’il avait de moi était donc mon pantalon trempé de sang, une perruque blonde, un maquillage raté et une moustache bancale. Voilà le style de meuf à qui il avait laissé une chance. Je venais de perdre le seul homme qui voulait encore bien de moi. C’était en tout cas ce que je pensais. Car, comme un coup du sort, une lumière dans le noir, un slip propre sur mon cul, avant que la porte de mon amie ne s’ouvre, j’ai reçu un message. Son message. En quelques mots, il m’a tout fait oublier. « Merci d’être passée. On se revoit bientôt. Enfin, si tu veux toujours. » C’était donc lui qui doutait. Après tout ça, il me laissait encore le choix. Et, sans vraiment savoir s’il avait vu la tache ou non, j’ai remercié mes règles. Je les ai vraiment remerciées.

Car grâce à elles, j’ai confirmé tout ce que je pensais de lui et ce que je savais déjà. Je me suis rendu compte de la chance que j’avais qu’il soit dans ma vie, le jour où j’ai eu mes règles chez mon crush.