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Ce jour où j’ai embrouillé une influenceuse

bkg B Club

Un jour de janvier. Dans ma voiture, Céline Dion tapait sa meilleure vocalise au centre de Paris et, faisant affront aux flics, le téléphone dans mes mains m’octroyait un peu de répit au milieu des embouteillages. Forcément, étant donné l’addict que je suis, Instagram a été mon premier réflexe. C’est triste, d’être aussi accro.

Je passe de longues minutes à regarder des vidéos qui ne servent à rien, à checker les messages de gens que je ne connais pas (OK, je vous adore, mais je consacre plus de temps à vous répondre qu’à mes propres amis) et à baver sur des corps qui n’existent pas dans la réalité. J’ai bien tenté d’y remédier. D’abord, j’ai pris sur moi, tout simplement. J’ai essayé de lâcher mon téléphone en me répétant que j’avais bien mieux à faire, avant de me jeter de nouveau dessus trente minutes après. Enfin, je suis passée à un niveau au-dessus. J’ai mis des limites de temps. Scoop : cette méthode est à chier étant donné qu’il suffit de cliquer sur un bouton pour supprimer la restriction.

Cher iPhone, si tu veux vraiment me stopper, promets-moi qu’à chaque minute dépassée, un message sera envoyé à mon ex, et là, crois-moi, je disparaitrai d’Instagram. Toujours est-il que j’étais encore addict à mon téléphone, même dans les embouteillages. J’ai jeté un œil à mes messages privés et je suis tombée sur un profil avec une pastille bleue. Celle-ci, elle a eu des lettres de noblesse, fut un temps. À une époque, chaque personne avec une pastille bleue qui s’abonnait ou me contactait faisait frémir mon petit cœur. Car, d’une manière ou d’une autre, elle était importante. Je sais, nous sommes tous importants. Mais Macron l’est plus que moi, par exemple. Et c’est bien dommage, quand on m’imagine une seconde présidente.

Aujourd’hui, la pastille bleue n’a plus aucune valeur. Pourquoi ? Parce que des gens payent. Peut-on prendre quelques minutes pour discuter de la débilité de ce projet ?

Des individus ont-ils donc autant besoin du sentiment d’appartenance à un groupe privilégié qui, soit dit en passant, n’en est plus un puisqu’il est accessible à tous ? Comment des gens sont-ils prêts à payer dix balles par mois, professionnels ou non, pour avoir une pastille qui n’a absolument aucune valeur ? Certains ont expliqué que cette pastille permettait à leur communauté de ne pas se faire duper, qu’Instagram leur offrait un accès privilégié à ses services et que leur compte était plus sécurisé. C’est faux. La seule raison pour laquelle toutes ces personnes ont pris la pastille bleue, c’est pour se donner de l’importance. Elle ne change rien, sinon la teneur de leur porte-monnaie.

Cela étant dit, une pastille bleue est venue taper dans mes DM et, je l’avoue, malgré la réalité énoncée ci-dessus, elle m’offre toujours quelques secondes d’adrénaline. Qui m’avait donc écrit ? Je me suis précipitée pour l’ouvrir et découvrir la nouvelle qui m’attendait.

Une influenceuse. C’était une influenceuse. Une de celles aux longs cheveux blonds, qui a une peau lisse probablement grâce à un filtre et une allure de surfeuse de la côte ouest. Une influenceuse, en somme. Dont je tairai le nom. Pas tant pour la protéger, mais plus parce que finalement, je ne la connais pas et surtout, parce que je m’en tape complètement. Et si je suis si dure, c’est qu’il y a une bonne raison. Car, évidemment, j’ai lu son message. Lui, il était plutôt cool : elle avait créé un produit et m’invitait à sa soirée de lancement. Chouette, ai-je d’abord pensé. L’occasion de rencontrer de nouvelles personnes du milieu, de me faire connaitre, d’élargir mon réseau et de passer un bon moment. En tout cas, de faire semblant. Car moi, les événements influence, c’est pas trop mon truc. Je suis pas très à l’aise, sauf exceptions, et je ne me sens pas vraiment à ma place dans ce monde un peu faux-cul. Oui, mais c’est aussi une partie de mon travail. Dans le mien, le réseau est essentiel, avec les influenceuses encore plus. Alors, sans vraiment savoir qui elle était, j’ai pensé y aller. Mais avant, je suis évidemment passée sur son compte.

Et là, stupeur. La surfeuse n’était pas abonnée. Peut-être que cela ne vous surprendra pas ; moi, si.

Car bien sûr, on est au courant et on y revient : c’est un monde de faux-culs, dont je peux clairement faire partie. On le sait tous, on se fait parfois des courbettes dans le seul but de pouvoir envoyer son livre et mettre en avant son œuvre. Comme dans n’importe quel milieu, en somme. Mais pour ma défense, je fais les choses bien. Car si je peux lécher quelques culs pour faire vivre mes romans, il n’empêche que je prends soin de le faire avec des filles dont j’apprécie un minimum le contenu, et que je suis depuis un petit moment. Et si tel n’est pas le cas, je suis honnête. Parce que, maintenant, je ne passe plus par l’étape « courbettes » et je vais directement à l’étape « opportuniste ». Autrement dit, fini de prendre le temps de prétendre s’intéresser l’une à l’autre ; j’en viens tout de suite aux faits, à savoir l’échange de bons procédés. La surfeuse, elle, elle en avait rien à foutre. Elle voulait le beurre, l’argent du beurre et le cul de la crémière qui, à ce moment, s’appelait Noëllie. 

Certes, nous pourrions aussi penser que, pour une fois, elle n’était pas hypocrite, et qu’au moins, elle ne faisait pas semblant d’adorer mon profil juste pour me ramener à sa soirée. C’est vrai. Mais j’ai tout de même trouvé la démarche étrange. Dans ce cas, pourquoi ne pas directement me le dire ? Un simple « Je viens de découvrir ton compte, je crois qu’on a plein de choses en commun qui pourraient intéresser nos communautés respectives, tu en penses quoi » ? Qu’allions-nous nous raconter à la soirée ? « Salut, tu es qui, je t’ai jamais vue » ? « Je sais même pas ton prénom » ? Que pourrais-je vous dire, à vous qui me suivez, si je débarquais à un évènement sans même connaitre l’hôte ? 

J’ai donc pris quelques jours avant de répondre, fini par la follow et accepté l’invitation. On y revient : le business est le business. Pendant plusieurs jours, j’ai découvert son univers, son travail et ce qu’elle est. Elle, jamais. Cette meuf ne s’est jamais abonnée à moi.

En revanche, elle n’a eu aucun souci à me remercier de ma présence, tout cela avec des grands cœurs en me disant qu’elle se ferait une joie de m’accueillir. Elle était en fait la reine des faux-culs !

Comment peux-tu te faire une joie de m’accueillir alors que tu ne sais même pas qui je suis ? Était-ce seulement elle qui m’écrivait ?

J’ai finalement refusé l’invitation, quelques jours après, et me suis désabonnée. Certes, je perdais une personne à qui envoyer mon prochain livre, mais je me suis rappelé que mon authenticité est la meilleure des publicités et que rien ne pourrait me faire changer. Je me suis rappelé que par le passé, j’ai été la « trop gentille », que je suis parfois encore, celle dont on abuse pour gagner en visibilité, celle dont on profite pour se montrer en story, celle trop conne qui donne en pensant recevoir.

Car je n’ai aucun souci avec le principe des réseaux sociaux et je ne l’ai jamais caché. Instagram, outre la passion que j’ai à vous raconter ma vie et vous faire rire, c’est un outil de travail. Alors oui, on peut parfois jouer la carte de la stratégie, MAIS tout en restant en accord avec son ADN, ses énergies et les valeurs qu’on défend. 

C’est ce que je me suis rappelé, ce jour où j’ai embrouillé une influenceuse (sans l’embrouiller d’ailleurs, mais il fallait bien un titre pute à clics #stratégie).