La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où mon corps a lâché

bkg B Club

Mercredi 15 novembre 2023. J’avais prévu avec mes amis une soirée LOL. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas, je vous invite à découvrir l’émission LOL sur Amazon. Et même si cette plateforme n’est clairement pas celle que j’aimerais vous recommander, je l’avoue, avec cette émission, ils m’ont eue. Le principe est simple : plusieurs humoristes et comédiens sont enfermés dans un salon géant et personne ne doit rire. Celui qui ne rit pas gagne.

Cette idée, nous l’avons volée pour une soirée.

 Le problème, c’est que nous sommes bon public, tous. Alors, rapidement, à peine le jeu lancé, presque tout le monde a perdu, avec des petits sourires qui s’échappaient ou même des gros fous rires qui fuitaient. C’était une réussite, et pas uniquement parce que j’ai gagné (en partant du principe que j’ai pas triché, ce qui est faux, étant donné que j’ai pouffé de rire à maintes reprises). 

Mais cette soirée avait un prix dont je n’avais pas conscience. Déjà, elle avait lieu un mercredi, en pleine semaine. Mon corps de femme de 32 ans n’assume pas une sortie hors week-end. Qui plus est lorsqu’elle se termine à 1 h du mat’, avec 45 minutes de voiture retour et un taxi pour deux des invités. En résumé, un lit accessible aux alentours de 4 h, qui n’était même pas mon lit, car je dormais chez des potes, faute de dormir chez un crush

Et puis, le problème était aussi la soirée en elle-même. Heureusement, je m’étais contentée de sodas et n’avais pas cédé à l’alcool. En revanche, j’avais fumé. Je ne suis pas une grande fumeuse, une de celles qui se font une clope en terrasse en été ou un paquet en soirée. J’ai toujours su résister à l’addiction, jamais à la socialisation. J’ai bien tenté, soutenue par un professionnel qui me répète comme à une vieille personne que mon système ORL est faible et que fumer de temps en temps ne sert à rien, mais je l’aime trop, la petite cigarette avec les copains quand on refait le monde. En plus, j’ai vite compris que l’argument « ça pourrit tes poumons » est franchement désuet quand on pense à la pollution dans laquelle on vit. En bref, j’accepte de fumer de temps en temps. 

Oui, mais chez mes potes, la cigarette, c’est un art de vivre et eux, ils fument à outrance, faisant de leur cuisine un cendrier géant. Ma gorge n’aimait pas ça, tout comme mes muqueuses nasales et mes oreilles. Je me noyais dans les mégots, le tout avec les fenêtres ouvertes pour tenter d’aérer. C’était trop pour mon corps qui s’est vengé en attrapant froid. 

Le lendemain midi, j’avais un déj. Déj qui m’enchantait, mais qui m’obligeait à affronter la pluie et ma fatigue alors même que je voulais rester au chaud pour me reposer. Évidemment, en plus, je n’avais pas de parapluie. Tu le vois venir : soirée + cigarette + froid + pluie = un fucking rhume d’enculé.

Moi, ça m’a bouffé une semaine entière, m’empêchant de vivre et de travailler. Mais surtout, ça m’a valu un moment de gêne. Car ce vendredi, alors que j’avais enchainé mes 24 h de folie chez mes amis, j’avais un rendez-vous avec la gynécologue. Six mois que j’attendais ce rendez-vous ; je ne pouvais pas le louper. Habituellement, je déteste déjà aller me faire trifouiller la chatte par une inconnue, mais là, un peu malade, fatiguée, je n’avais qu’une envie : annuler. Heureusement, je suis une adulte responsable et surtout, je tiens à avoir un utérus en parfaite santé pour me faire sauter jusqu’à 90 ans faute d’en profiter à 30. 

La gynéco, c’est jamais évident. Bien que, sans surprise, ce soit son métier et qu’elle soit habituée à voir des vagins toute la journée. Ça n’empêche que toi, t’es pas habituée à te déshabiller après un simple bonjour. Alors perso, je suis toujours un peu stressée et, le pire, c’est que j’essaye de le cacher. Dans cette position, j’ai deux réactions : soit je parle beaucoup, beaucoup, vraiment beaucoup, soit je parle à peine. Cette fois, à ma grande surprise, c’est la seconde option qui a pris le dessus. À croire que le rhume était déjà en train de m’anesthésier. Mon nez était bouché, l’une de mes oreilles aussi et ma gorge commençait vraiment à être douloureuse. Rien qui me donne envie de taper la discut’. 

Ma gynéco, en revanche, elle était ravie de me voir et prenait tout son temps pour instaurer un climat sympathique.

Moi, je l’entendais à peine et me noyais dans mes mouchoirs. Jusqu’au moment où, après m’avoir parlé de ses patientes qui manquaient de vitamine D et de son fils qui l’aidait avec ses clés USB, elle s’est décidé à me foutre à poil. « Je vous laisse vous déshabiller. » Ça, je l’ai bien entendu. J’ai tout retiré, très vite, pour ne pas penser à ce qui était en train de se passer, et me suis installée sur son siège, pieds dans les étriers. C’est à ce moment qu’elle a jugé bon de me laisser, chatte au vent, pour répondre à son téléphone pendant cinq minutes. Cinq minutes, c’est long. très long. Encore plus quand tu as les deux fers en l’air, que ton nez est à la limite de perdre la moitié de ton cerveau et que, surtout, tu as laissé tes mouchoirs sur le bureau. À ce moment, t’es complètement con et, au lieu de te lever, prendre le paquet de Kleenex et te réinstaller, tu attends. Tu attends comme une vraie demeurée, pétrifiée par une situation qui ne devrait jamais arriver. Mais dans ma tête, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer la gynéco revenir dans son cabinet et me voir, gros cul nu, en train de prendre mes mouchoirs. Bien sûr, cela ne l’aurait pas choquée une seule seconde. Mais moi, la situation, je la trouvais gênante, et c’était ça qui me gênait encore plus. J’étais ridicule, et j’en avais bien conscience. Alors, j’attendais qu’elle revienne, morve qui pendouillait au nez.

Mais le risque, c’était que tout me quitte au mauvais moment. Car après son appel, alors qu’avait enfin sa tête dans ma chatte et qu’elle y enfonçait un bout de ferraille pour faire son frottis, le drame a eu lieu. Dans mes narines, c’était l’apocalypse et je l’ai vu venir, celui qui allait me causer bien plus de gêne que la récupération potentielle du paquet de mouchoirs sur le bureau : l’éternuement. Dans un fracas qui l’a presque plaquée au mur, il est arrivé, comme un spasme nasal, le « atchoum » qui non seulement a fait couler de la morve jusqu’à ma bouche, provoquant un hurlement par réflexe, mais surtout qui a contracté tous mes abdos et, évidemment, mes intestins. Dans cette position allongée, les jambes en l’air, l’anus perd malheureusement de sa force et le sphincter abandonne sa fonction, laissant passer plus facilement ce qui allait causer la fin de ma dignité : le pet. Avec mon éternuement, un prout de l’enfer m’a quittée pour atterrir sur la gueule de ma gynécologue. Puis, le silence. Et simplement son regard qui s’est plongé dans le mien, avant qu’elle ne me rassure avec bienveillance : « Ne vous en faites pas, parfois même, on me chie dessus. »

Je n’ai rien répondu, je n’ai rien fait. Je suis restée les jambes en l’air, la tête de la docteur repartie dans mon intimité, sourire aux lèvres et plus légère, priant pour enfin rentrer chez moi, me foutre dans le lit et me soigner, pour ne plus jamais éternuer.

C’est ce que j’en ai conclu, ce jour où mon corps a lâché.