La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où je suis allée consulter une voyante

bkg B Club

Jeudi 18 avril 2024. L’anniversaire de mon papa. Comme un signe, j’ai considéré que c’était le bon jour, le bon jour pour aller consulter une voyante. Je dois reconnaitre une chose : je ne l’avais pas forcément prévu. Mais elle était arrivée dans ma vie par le biais d’une amie. Un jour, j’avais reçu le texto sans aucun contexte qui me donnait le contact d’Irma.

Elle ne s’appelle pas Irma, évidemment. Nous préserverons son intimité, et la mienne. Ma pote, elle m’avait envoyé son numéro en expliquant simplement : « Si tu as besoin de trouver des réponses, deux de mes amies ont fait une consultation avec elle, elles ont adoré. » Je n’avais pas l’intention de la contacter. Puis, elle avait ajouté : « Et elle n’est pas très chère. » 

J’avais toujours voulu aller consulter une voyante et, chaque fois, je reculais. Déjà parce que connaître l’avenir, ça fait peur. Et si elle m’annonçait que j’allais bientôt crever ? Que mes proches allaient y passer ? Que je finirais seule dans un job que je déteste ? Que je vivrais sous les ponts sans plus d’espoir ? Je ne suis pas d’une nature pessimiste, mais je ne pouvais pas m’empêcher d’y penser. Puis, aussi, parce que je doute. Non pas que je ne croie pas à l’ésotérisme. Bien sûr, j’y crois. Mais parce que de plus en plus de sorcières 2.0 apparaissent, tirant les cartes à chaque TikTok pour gagner de l’argent ou nous promettant que nous trouverons bientôt l’amour pour obtenir un énième chèque.

En d’autres termes, on ne sait jamais vraiment sur qui on tombe, et c’est compliqué de dénicher la perle rare. Voilà pourquoi, avant ce 18 avril, j’avais reporté… puis Irma a confirmé. 

20 h 15. Faute d’être du côté de chez elle, tout se passerait en visio. J’étais stressée. Très, très stressée. Parce que j’ai besoin de vous donner le contexte, que vous avez entendu 20 fois et que vous allez accepter de lire une 21e fois car vous m’appréciez beaucoup. Si ce n’est pas le cas, désolée pour vous, je pensais que vous aviez bon goût. Le contexte, donc, c’est celui d’une meuf qui s’est séparée d’un gars qu’elle kiffait il y a plus de six mois, mais qui n’arrive toujours pas à s’en remettre. Damn guuurl, attrape tes ovaires, arrête de chialer et avance. Je sais. J’aurais aimé me le faire tatouer ou vendre des stickers. Mais la réalité, c’est que je continuais à penser à cet imbécile qui, à en croire son « Vu » lâché à un « Tu vas bien ? » quelques semaines auparavant, n’en avait absolument rien à foutre. Enculé. Évidemment, c’était pour lui que j’allais consulter la voyante.

Mon unique objectif, c’était de savoir si ce petit con allait me regretter, pleurer toutes les larmes de son corps, gonfler mon égo et revenir en rampant. C’était la seule raison. Irma, elle, elle en avait rien à foutre.

Elle a commencé l’entretien en me racontant sa vie. Longtemps. Peut-être n’avait-elle pas compris que ce que je voulais, c’était connaître la mienne, de vie. Elle a ensuite attaqué le dur, en tirant une seule carte. Carte qui a eu tort. Avec celle-ci, elle m’a confirmé que le travail fonctionnerait bientôt, que c’était semé d’embuches, avec quelques galères, que c’était long à prendre, mais que ça marcherait. Faux. Autant je suis une merde dans les relations amoureuses, autant ma carrière est bien lancée et je suis plutôt confiante – en toute humilité bien sûr. Je souriais dans ma tête et tentais de ne montrer aucun signe parce que j’avais envie de la tester et de voir si, vraiment, elle était capable de savoir de quoi serait fait mon futur. Une chose venait de se confirmer : elle avait déjà des difficultés à connaître mon présent. Car, si cette erreur aurait pu être due au hasard, les autres se sont cumulées. D’accord, c’était des détails qu’elle noyait dans des vérités, mais moi, je notais. En somme, rien d’impressionnant concernant l’actuel. Et puis surtout, je le connaissais déjà. Moi, ce que je voulais, c’était l’avenir. 

Travail, argent, famille et santé, elle a vogué entre les thèmes et ne m’a annoncé que du positif. Elle m’a promis un projet qui allait exploser, des sous dans les poches, une maison achetée cet été et une forme de marathonienne. Tout allait bien. Jusqu’à l’amour. On y était, à l’amour. J’ai serré les fesses, senti mon cœur battre plus fort alors que je ne cessais de penser à celui qui avait brisé mon âme. Mais Irma, elle, elle n’en a pas parlé. Non. Elle m’a annoncé une âme sœur qui arriverait en automne, un homme gentil, patient, qui porterait l’uniforme, alors que je déteste pourtant tellement ça. Un homme marié aussi, très, très (très) loin de ce que semblait envisageable. Mais je l’ai laissée continuer, bien qu’un peu douteuse. Surtout concernant l’homme marié. Je m’en foutais en réalité, et finalement, je me suis lancée : « Et vous ne voyez pas un ex revenir ? » Sans aucun tact, sans délicatesse, en plein dans ma gueule, je me la suis prise, la réponse. Un « non » catégorique, sans hésitation. Et dans le silence, elle a insisté dessus en le répétant dans un long souffle : « Non, non, non. » Je n’ai pas pu m’empêcher de lui demander si elle était sûre : « Ah oui, certaine, je ne le vois pas du tout revenir. »

Puis, histoire de bien m’achever, elle m’a proposé d’interroger l’univers sur le prénom de ce fameux jeune homme. Évidemment, j’ai accepté. Et là, la dégringolade a continué.

D’après elle, il était passé à autre chose, voire déjà avec une autre fille, prêt à se lancer dans une nouvelle vie peut-être même à l’étranger, et il n’avait pas du tout l’intention de revenir. Une belle consultation, en somme.

Quelque part, je me disais que depuis le début, elle avait évoqué plusieurs points sur lesquels elle n’était pas vraiment dans le juste et que, par conséquent, je pouvais douter de sa parole. Et puis, d’un autre côté, elle ne m’annonçait que du positif, dans tous les domaines, alors j’avais envie de la croire. Mais surtout, surtout, surtout, je me suis rappelé la place de la spiritualité dans ma vie et comment je l’avais utilisée jusqu’à présent. Parce que moi, depuis toujours, je tire les cartes, me connecte à mes énergies et vis avec l’ésotérisme. Et, comme je le conseille à ceux à qui je lis le tarot, ce n’est pas le message qui importe, mais ce qu’il fait résonner en nous. Ainsi, j’ai utilisé cette séance comme un moment d’introspection et de confrontation à mes volontés profondes. Qu’est-ce que ses paroles avaient provoqué en moi ?

Et j’ai compris. J’ai compris que je n’avais pas accepté cette rupture, que je continuais d’y croire et que, finalement, je faisais tout pour ne pas passer à autre chose. 

J’ai terminé mon rendez-vous en sachant ce que je devais faire. Peu importait que ce qu’elle m’avait annoncé se révèle vrai ou faux, je devais avancer. J’ai attrapé mon téléphone, composé le numéro de celui que je considérais comme mon ex et, avec une boule dans la gorge et les larmes aux yeux, me suis lancée dans un message d’adieu. Après hésitation, un peu par égo, beaucoup par tristesse, j’ai fini par l’envoyer. Dans cet acte, j’ai mis beaucoup de symbolique. Cette fois, j’abandonnais, pour de vrai. J’arrêtais d’y croire, j’arrêtais d’espérer. J’allais avancer. Non pas car une voyante me l’avait dit, non pas car il n’y avait plus d’espoir, mais simplement parce qu’il le fallait, parce que c’était la chose à faire. Je n’avais besoin que d’un reflet sur moi-même, reflet que cette expérience m’avait apporté. C’est ce que j’ai compris, ce jour où j’ai consulté une voyante.