La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où je suis allée aux Francofolies

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Mercredi 24 mai. Ou quelques jours après. J’ai reçu un message de celle qui est devenue mon amie le jour où je l’ai vue hurler à cause d’une chauve-souris durant notre voyage en Équateur, celle que certains connaissent comme la belette, celle qui rigole à chacune de mes blagues même les plus nulles, celle qui vit ses émotions aussi fortement que moi : Bérangère, la cheffe influence de l’équipe Cheerz.

Bon, ce n’est plus une surprise maintenant, je bosse avec cette marque depuis des années. Pourtant, à la base, notre amour n’était pas gagné.

Je me souviens encore de ce mail, qu’elle-même m’a envoyé en septembre 2020, alors que j’étais sur la terrasse avec ma cousine en pleine tournée à Montpellier. Dans celui-ci, elle me présentait Cheerz. Moi, j’étais à mon compte depuis un mois, je venais de sortir 387 jours et je me méfiais du cercle de l’influence, encore plus des marques surreprésentées sur les réseaux. C’était le cas de la leur. À l’époque, ils bossaient avec tout le monde, à la HelloBody ou So Shape. Bref, pour moi, pas très positif. Finalement, elle m’a convaincue. Et puis, j’aimais le principe d’imprimer ses photos. En conclusion, j’ai commencé avec eux et on ne s’est jamais quittés. Une vraie belle histoire d’amour.

J’ai donc reçu un texto de Bérengère fin mai : « Hey Nono, on a des places pour les Francofolies en juillet parce qu’on est partenaires, ça te tente qu’on y aille ? » À cet instant, dans mon cœur, c’était la merde. Et, elle a ajouté : «Bon, par contre, on n’a pas de budget, c’est vraiment comme ça. » J’étais doublement dans la merde. Car, pour être très honnête, je déteste les festivals. Dans mon souvenir, j’ai l’image de gens bourrés, trop jeunes, qui hurlent, se poussent, font tomber leur bière sur mes vêtements, me marchent sur les pieds, me tripotent le cul, dorment dans des tentes, brûlent sous le cagnard et dansent comme des connards sur des musiques qu’ils écoutent à peine. Bref, j’ai vraiment une très sale vision de la chose. J’ajoutais à ça le fait que les Francofolies ont lieu à La Rochelle. Pas si loin, mais ça m’obligeait à faire minimum cinq heures de voiture. En plein mois de juillet. Au milieu de MES festivals (parce que oui, j’en organise. Me jugez pas, les miens ils sont tout mignons avec des petits créateurs et des brunettes qui font du piano-voix). Le pire moment.

Et, évidemment, bien que l’argent n’ait jamais été une motivation, ne pas être payée me chauffait moyennement (même si je précise que dans ce cas, ils prenaient bien sûr tout à charge). Parce que je n’ai aucun problème à faire du contenu et à vendre mon image gratuitement, mais là, les Francofolies, c’était pas un kiff. Je n’avais jamais voulu y aller, je connaissais à peine et je n’avais aucune idée des artistes qui y performaient.

Oui, mais voilà. Cheerz, je les adore

Déjà parce que, soyons honnêtes, ils ont toujours été là pour moi. Eux, ils m’accompagnent dans tous mes projets et n’hésitent pas à mettre de l’argent ou à me fournir leurs produits pour me soutenir. Ensuite, ils sont devenus des amis que je n’avais pas envie d’abandonner. Ma loyauté me perdra.

Alors, j’ai accepté. Après tout, j’avais la chance de pouvoir passer trois jours à La Rochelle, dans un festival qui pouvait me surprendre, avec une super copine. Sur le papier, c’était pas si mal. Au contraire, ça pouvait même être cool.

Mercredi 12 juillet, je suis donc partie faire la fête. À dire vrai, ça s’annonçait pas top. La nuit avait été torride et pas dans le bon sens du terme. Mon cul avait tellement chaud que ma raie dégoulinante me faisait penser que j’avais mes règles (faites pas genre, je sais que vous aussi vous avez déjà eu ce truc), Gégé avait été malade et m’avait empêchée de dormir, mes polypes étaient plus gonflés que mes fesses et mon insomnie s’était intensifiée à mesure que je stressais à l’idée de manquer de sommeil. Classique. Alors, le lendemain, les cinq heures de route jusqu’à La Rochelle se sont avérées compliquées.

Et pourtant. Pourtant, l’univers était avec moi.

Car, j’ai enchainé les podcasts, les karaokés et les vidéos YouTube (je vous conseille la dernière de Seb la Frite sur l’histoire de Snoop Dog). J’ai passé cinq heures de kiff, seule, tranquille, la clim adoucissant le soleil et le Coca comme drogue pour me tenir éveillée. Un régal. Et la surpopulation de La Rochelle à mon arrivée n’allait rien y changer, bien qu’elle m’ait empêchée de trouver aisément une place. Oui. Mais voilà, j’étais de bonne humeur, quoi qu’il arrive.

J’ai retrouvé Bérangère, la joie de vivre incarnée, et je le savais : j’avais fait le bon choix. On a déambulé, découvert les rues magnifiques de La Rochelle, mangé un fondant à la châtaigne, fumé une cigarette en terrasse et fini par rejoindre le festival. Et quelle belle surprise !

Autour de moi, que des gens sympas (très sympas), bienveillants, respectueux, voulant juste profiter des shows et du bon son. Sur le stand, j’ai rencontré toute l’équipe et, par conséquent, je me suis fait de nouvelles copines. J’étais fière. Fière de m’être laissée emportée dans cette histoire, d’avoir dépassé mes a priori et d’avoir accepté de venir, car, oui, je passais un excellent moment, et moi qui n’arrête jamais vraiment, j’oubliais tout et profitais d’un univers nouveau.

Bon, je reconnais tout de même que les deux soirées n’ont pas été les mêmes. La première, on était sur du M et du quarantenaire qui boit une bière tranquille, mais la seconde, on était sur des 16-20 ans qui, dès la première note de Gazo (me demandez pas, moi non plus je connaissais pas), sont partis en pogos complètement bourrés à 18 h. Eux, ils m’ont rappelé pourquoi je détestais les festivals. C’était de leur faute, cette sale image que j’avais. Mais ils m’ont permis une chose : prendre du recul.

Parce qu’après le concert de Gazo (mais c’est quoi ce nom, sérieux ?) et, plus tard, celui de Lomepal (bon lui, j’avoue, c’était bien), ils étaient tous défoncés. Au point de tout déglinguer. En commençant par leur propre gueule. Et puis, ils en faisaient des tonnes. Les filles étaient très peu à l’aise, surmaquillées, habillées de façon pas du tout confortable et les mecs étaient bruyants, lourds, en recherche de visibilité. Bref, des jeunes qui veulent baiser et qui, par conséquent, s’oublient un peu dans le process. Moi, ils m’ont fait écho et m’ont rappelé des souvenirs. Des souvenirs pas agréables de ma propre personne à 20 ans, moi qui parlais très fort car je voulais qu’on me remarque, qui avais besoin d’en faire des tonnes pour exister, d’avoir tous les regards sur moi alors même que j’en avais peur. À 20 ans, je me détestais, et surtout, je me cherchais encore. Et au milieu des Francofolies, je voyais des centaines de Noëllie qui profitaient sans vraiment profiter.

J’avais envie de les rassurer, de leur dire qu’ils n’avaient pas besoin de boire trop pour être cool, pour séduire une meuf ou pour choper un mec. J’avais envie de leur dire qu’ils pouvaient apprécier tranquillement le show sans devoir prendre leur téléphone pour un selfie toutes les trois secondes. J’avais envie de leur dire que le meilleur moyen de vivre ce moment… c’était simplement de le vivre.

Je suis rentrée à minuit, seule alors que les copines profitaient encore, heureuse et en accord avec moi-même. Je ne me suis forcée à rien, si ce n’est à venir. Le lendemain, je me suis retrouvée de nouveau avec moi-même, l’équipe ayant un train plus tôt. J’ai déjeuné en terrasse, au soleil, sans personne. Et j’étais parfaitement bien. Bien d’être capable de vivre pour moi, sans me soucier du regard des autres, en acceptant mes besoins et mes envies, sans jamais les contredire. Je me suis rappelé qu’il faut parfois se laisser porter par les opportunités, faire confiance à l’univers et apprécier le moment pour prendre de la distance sur son quotidien. C’est ce que j’ai compris, ce jour où je suis allée aux Francofolies.