La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai voulu être quelqu’un de meilleur

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Ce jour où j’ai voulu être quelqu’un de meilleur

Lundi 18 septembre 2023. Comme un lundi. Et de septembre. Je commençais la semaine pleine d’ambitions. Je vous avais déjà parlé de ma rentrée. Celle que j’avais décidé de bien démarrer, en reprenant une hygiène de vie digne des plus grandes influenceuses. J’étais ce genre de fille qui mangeait des crudités à chaque repas, buvait plus de deux litres d’eau quotidiennement, allait à la Pole Dance tous les deux jours et qui dormait au moins huit heures par nuit. Oui, bien loin de la pseudo moins bonne de tes copines que je prétendais être. Mais voilà, être la fille parfaite ne me suffisait pas. Non. J’avais besoin de plus. J’avais besoin de sens.

Sur mes réseaux sociaux, je suis beaucoup d’associations.

Enfin, quelques-unes. Car, à dire vrai, les seules que je suis sont celles qui luttent contre la maltraitance animale et, pour moi, c’est compliqué de voir ça en images chaque jour sur mon téléphone. Sur ce genre de comptes, j’ai deux réactions complètement opposées. Soit j’ai envie de bruler tous les êtres humains qui touchent même un poil de ces petits trésors, soit je pleure toutes les larmes de mon corps de désespoir. Et aussi, je l’avoue, je finis par vouloir tous les adopter. Tant de choses qui font que je ne peux pas TROP suivre d’associations.

Pourtant, j’en suis quelques-unes. Un peu masochiste, la gamine. J’en suis quelques-unes, dont celle qui allait me faire vivre un moment improbable. Sur Instagram, j’ai vu, en ce lundi 18 septembre, une publication qui appelait à l’aide. La mission était simple : ils avaient besoin de quelqu’un pour filmer et monter une vidéo le jeudi suivant, afin de diffuser leurs actions qui consistaient à rapatrier cinq toutous venus d’Égypte. Pour information, en Égypte, comme dans beaucoup d’autres endroits dans le monde, les chiens sont livrés à eux-mêmes, se reproduisant à outrance dans des conditions difficiles et vivant dans la rue. Beaucoup d’associations récupèrent donc ces chiens, qui, sur place, n’ont aucun soin ni aucun refuge pour les accueillir.

J’ai envoyé un message, proposé mon aide, reçu un appel de la présidente et me suis engagée pour le jeudi. Et nous y étions, au jour J.

Moi, j’étais tout excitée à l’idée de travailler avec cette association, de découvrir les adoptants qui me rappelleraient ma rencontre avec Gégé et tout simplement de pouvoir, après toutes ces années à raconter des conneries sur les réseaux, utiliser mon expertise à bon escient. Oui, mais voilà, seuls ceux qui ont déjà bossé avec une association, notamment animale, ne seront pas surpris de la suite.

Jeudi 21 septembre, 13 h, je suis arrivée à l’aéroport, comme me l’avait demandé la présidente. Une fois sur place, je l’avoue, un rictus s’est installé sur mon visage car, devant moi, elle était un cliché malgré elle. Et, avec toute l’affection que je leur porte, je n’ai pas pu m’empêcher d’y penser. Là, attendant que tout le monde se réunisse, cinq femmes dont la présidente m’ont accueillie. Une dame froide, un peu sévère, sans doute trop autoritaire mais au très grand cœur, passionnée, engagée et sensible m’a saluée. Enfin, plus ou moins. Moi, j’arrivais avec beaucoup (trop ?) d’énergie. Un soleil en période de canicule. De quoi les déshydrater, les madames. Parmi elles, nous avions là aussi des clichés. Des petites femmes aux grosses lunettes, au strabisme prononcé, aux hanches qui font boiter, aux chevilles gonflées et au chien dans le sac, chouchou sur la tête. Des Corinne, Sylvie et autres Gertrude — femmes au grand cœur, j’insiste.

Moi, ma vraie cible, c’était la présidente, puisque forcément, c’était elle que j’allais devoir convaincre.

. Et le plus dur était à réaliser. Car moi, je pensais qu’on allait me faire confiance, qu’on me laisserait carte blanche, parce qu’après tout, et avec toute l’humilité qu’on me connait, c’était mon travail. Je savais ce que je faisais, encore plus sur ce genre de contenu très sollicité sur les réseaux. Oui, mais notre présidente, elle aussi, elle voulait un truc précis. Alors, quand je lui ai montré le début de mon « vlog » — mot qu’elle n’avait probablement jamais entendu avant — et que, après quelques secondes de vidéo, on y aperçu ma chaussure, elle m’a regardée, fusils à la place des pupilles, et m’a lancé gratuitement, s’adressant à la merde d’influenceuse que je me suis sentie être : — Mais pourquoi on voit ta chaussure ?

À cet instant, je n’ai pas pu m’empêcher de rire. Et j’ai compris que, malgré mes explications, même si je lui disais que c’était un contexte, un moyen d’emmener le spectateur, de poser le décor, ma godasse dégueulasse ne serait pas acceptée. Le problème, c’est que peu de choses allaient être acceptées. Car la présidente n’appréciait pas qu’on la filme. Oui. Ça compliquait la tâche.

J’ai donc retravaillé mon montage en direct pour lui proposer un contenu qui allait lui plaire. Difficile, car son regard sur elle était biaisé et elle ne s’aimait sur aucune prise. Mais, après deux heures d’attente, j’ai pu comprendre ce qu’elle voulait et finalement réussir à la séduire.

Puis, ils sont arrivés. Les petits chiens.

Dans un état qui brisait le cœur. En tout cas le mien, car à ce moment, j’étais la seule à pleurer. L’assistante de la présidente les prenait en charge ; les adoptants, eux, restaient patients ; la cheffe paniquait ; et moi, je filmais en chialant. Une jolie équipe.

Rapidement, nous sommes allés jusqu’au parking, là où tout était plus calme, où les chiens pouvaient être libérés, et surtout où ils pouvaient enfin rencontrer leur famille. Ce moment, c’était le plus beau. Et si depuis deux, trois heures, je regrettais un peu, je l’avoue, lorsque je me suis retrouvée à attendre dans un aéroport en pensant égoïstement au parking que j’allais payer une blinde, à cet instant, tout s’est envolé. Car ces petits chiens terrorisés sortaient un à un de leur cage remplie de pipi et qui venait de leur faire subir une expérience probablement marquante, pour finir dans les bras de leurs nouveaux maîtres pour la vie, maîtres qui s’impatientaient déjà de les accueillir. Petit à petit, on les a libérés et, chaque fois qu’ils sortaient, leur regard n’était qu’amour alors même que, par peur, ils auraient pu se montrer agressifs. Leurs petits corps tout fins se blottissaient contre nos corps gras, et tout prenait sens. J’ai filmé chacun de ces moments et me suis rappelé que l’humain peut être bon, parfois. Car devant moi, il n’était question que d’amour. Et d’un peu de stress, OK. Mais surtout beaucoup d’amour, d’engagement, de passion, de hargne, de volonté de sauver, de lutter pour un monde meilleur et de réelle envie de faire les choses biens. Ensemble, tous ces êtres humains très différents écrivaient une jolie histoire.

Chaque chien a rencontré sa famille et fini dans une voiture. Certes, dit comme ça, il n’y a pas vraiment de poésie au moment. Mais moi, je trouvais ça beau. Les sourires sur leurs visages, les mains timides qui se posaient sur les poils de leurs nouveaux meilleurs amis, les croquettes qu’ils avaient pensé à prendre, les paniers qu’ils avaient déjà achetés… Je me suis promis de faire plus dans mon quotidien pour que ces moments soient plus fréquents. Car, autour de nous, certains font le mal. Mais devant moi, il n’y avait que du bien. Ces cinq femmes incroyables, d’une force folle, qui, chaque jour, consacrent leur vie aux autres, pour agir à leur échelle. Ces familles qui ont décidé d’adopter, de sauver un animal plutôt que d’en acheter un dans un élevage. Et moi qui filmais tout ça, pour tenter d’aider et de diffuser ces efforts au plus grand nombre.

Je suis remontée dans ma voiture, j’ai salué du plus profond de mon cœur ces personnes rencontrées probablement que pour quelques heures, les ai remerciées encore pour leur engagement, j’ai payé 27 € de parking, râlé malgré tout, et me suis fait la promesse de toujours croire que les choses peuvent aller mieux, car l’espoir n’est pas perdu. C’est ce que j’ai vécu, ce jour où j’ai voulu être quelqu’un de meilleur.