La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai lutté contre la dépression

bkg B Club

Dimanche 18 décembre 2022. Quelques jours avant Noël, – 5 ° d’horreur, le sol aussi blanc que ma peau, la finale de la Coupe du Monde à la télé et mon gros cul au fond de mon lit. C’était pas la bonne ambiance. Je me retrouvais sous ma couette avec un moral de merde. Un vrai moral de merde.

J’avais une excuse. Une grosse et très longue excuse : j’avais mes règles. Depuis dix jours. Dix jours de fucking règles. Et, qui plus est, hémorragiques. Je perdais du sang à outrance. J’avais l’impression de m’être fait renverser par une voiture, mais seulement au niveau de l’utérus. Je me vidais tellement de mon sang que je me suis même demandé combien d’utérus j’avais. Pire, je commençais à m’imaginer que c’était un rein ou un poumon qui me quittait. C’était la merde.

Dix jours. Et dix jours, c’est long. D’abord, j’avais pas assez de culottes de règles, clairement. Je me retrouvais à dealer avec des tampons et des serviettes, celles qui se barrent à chaque mouvement de jambes, celles qui s’arrachent dans le slip, celles qui font des fuites chaque nuit. Et puis, parce que j’étais évidemment en anémie, je n’avais plus aucune énergie. Un mollusque. Un gros mollusque la chatte en fleur.

Je suis restée des jours dans mon lit à dormir, et j’ai carrément regardé un match dont je me foutais — même si, je le reconnais, il était impressionnant. Le foot, je m’en tape. Vraiment. Je ne connais même pas les règles. Et je m’en foutais encore plus avec tout ce qu’on sait sur cette Coupe du Monde. Mais j’ai regardé les trente dernières minutes, par curiosité. Et je le reconnais, j’ai été prise dans le délire. Pour celles et ceux qui n’ont pas maté, je l’avoue, c’était captivant. Comme si le résultat allait changer ma vie, je sentais mon cœur palpiter, mes mains moites et, toujours, mon utérus en folie. À chaque tir au but, je perdais un bout de muqueuse. Ou de rein. On y revient. Bref, mon état était tel que même le foot me plaisait. C’est dire. À tout ça s’ajoutaient une déception amoureuse, des désillusions au taf, des tracas du quotidien et un syndrome de la page blanche. Un joli combo qui promettait une belle dépression hivernale.

C’était une sale période. Et pour tout le monde. Autour de moi, tous faisaient une petite déprime. Pour la contrer, j’ai tenté plusieurs choses. La première, celle qui me semblait la plus adéquate : prendre soin de Gégé. Lui, il avait rien demandé. Il allait bien, toujours. C’est sa force, à mon Gégé, il est constant. Tout mon contraire. Il est neutre. Jamais excité, jamais triste. Certes, vous me direz que c’est comme tous les chiens. C’est faux. Croyez-le ou non, mais les chiens ont des personnalités. Tu as des relou qui ont le feu au cul, complètement hystériques à courir partout. Gégé, c’est mon Yin. Ou mon Yang. Bref, c’est mon opposé, calme et relaxant. Alors, je me suis occupée de lui. Je lui ai refait sa garde-robe, en commençant par un manteau qu’il n’aime sans doute pas, mais qu’il a accepté, comme d’habitude.

J’ai complété le tout avec un joli collier, de la pâté de luxe, des jouets qu’il n’a pas calculés et des friandises qu’il a dévorées. J’ai dépensé un SMIC pour Gégé, et ça m’a fait du bien.

Ensuite, je me suis occupée de moi… en me bousillant encore un peu plus.

Je me suis acheté un paquet de cigarettes que j’ai crapotées, j’enchaînais la malbouffe et je ne me douchais qu’à peine. Oui, avec les règles hémorragiques, c’était un joli tableau. Me jugez pas, je déprimais.

Mais tout ça n’y faisait rien. C’était toujours la merde. Alors, comme la plupart d’entre nous, quand je n’ai plus de solutions, je vais sur Google. Et là, surprise. Dans les recherches, elle est apparue dans l’un des premiers résultats : « Comment lutter contre la dépression hivernale ? » C’est donc un fait : elle existe pour de vrai.

Déjà, j’en ai appris davantage sur le sujet. Pour votre information, plus de 15 % de la population française souffre de déprime hivernale. Fatigue, manque d’entrain, tendance à rester enfermé.e, morosité, mélancolie, ennui… la totale. Moi, en lisant les symptômes, j’avais l’impression que de 15 %, on pouvait largement passer à 80 % de la population. Voire 90 %. Mais nous n’étions « que » 15 %.

Alors, si vous faites partie de cette minorité, voici donc quelques solutions :

  • de la sérotonine. Il nous faut de la sérotonine. Cette fameuse hormone surnommée « hormone du bonheur », stimulée par la luminosité. Pour la retrouver, l’article conseillait une marche matinale, au soleil, pour l’activer. Scoop, cher article de merde, en France, le soleil, il se réveille après nous et, sauf si notre métier est d’écrire des livres et d’être enfermé·e chez nous, notre employeur ne va pas nous autoriser à quitter notre bureau pour aller marcher quinze minutes pour, je cite, « prendre quelques rayons de soleil » ;
  • la musique. Parfaite idée quand ma playlist du moment est « Solitude » ;
  • les vêtements. Apparemment, mettre des couleurs vives permettrait de réveiller la flamme dans nos cœurs. Malheureusement, avec zéro degré chaque jour, la seule chose qui me préoccupe concernant mes fringues, c’est qu’elles me tiennent chaud et, bien souvent, ce qui remplit ce job ressemble plus à une tenue d’enterrement qu’à une robe de flamenco.

Et c’était tout. C’était tout ce que cet article de merde proposait.

De la lumière, de la musique et des vêtements. Des journalistes, qui avaient probablement fait minimum cinq ans d’études, qui avaient sans doute passé plusieurs heures à écrire ça, avaient conclu que pour lutter contre la dépression hivernale, il suffisait de regarder le soleil avec la macarena dans les oreilles et un pull jaune sur le dos. Ils se foutaient de nos gueules. Et ça m’a encore plus énervée. Et finalement, plus je m’énervais, mieux j’allais. Plus je posais ces mots que vous lisez, plus mon cœur s’apaisait. C’était donc ça : pour lutter contre la morosité, il faut être toujours plus aigri·e.

J’ai attrapé mon téléphone, foncé sur Instagram pour regarder toutes ces nanas que je déteste, allumé la télé pour mater le replay de Miss France et appelé une copine pour incendier les mecs. Tout ce qu’il fallait pour faire naître rage et dégoût en moi. Et plus le négatif s’emparait de mon corps, et plus il disparaissait. Comme une thérapie du mal par le mal.

Ainsi donc, voici MON conseil, celui qui marche pour nous, petit·e·s connasses·ards au cœur pur : pensez à une personne que vous détestez, que vous la connaissiez ou non. Il peut s’agir d’un membre de votre famille, d’un voisin, d’un collègue, de votre boss ; bref, de n’importe qui. Faites pas genre, on a tous quelqu’un comme ça. Vous savez, cette influenceuse sur Instagram que vous ne pouvez pas vous voir sans déterminer pourquoi, ou cette actrice qui « a l’air vraiment conne ». Elle peut être votre cible. Et puis, pendant quelques heures, ou même quelques jours s’il le faut, détruisez-la. Écrivez sur elle, parlez d’elle, critiquez-la, foutez-en-lui plein la gueule. Lâchez-vous. Ne pensez pas au karma. Lui aussi, c’est une pute.

C’est en tout cas ce que j’ai décidé de croire, ce jour où j’ai lutté contre la dépression hivernale.