La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai fait Pâques à la maison

bkg B Club

Samedi 15 avril 2023. Ma famille a débarqué chez moi. D’abord pour fêter l’anniversaire de mes parents qui sont nés à deux jours d’intervalle, et aussi pour célébrer Pâques avec une semaine de retard. En réalité, dans notre famille, pour Pâques, on n’a jamais vraiment fait grand-chose, à l’exception de la chasse au chocolats qui évidemment nous plaît. Mais cette année, c’était différent. Car cette année, mon neveu, il avait deux ans et demi, et donc, il comprenait.

L’année dernière, on avait pourtant tenté.

À cette même époque, nous étions dans la maison de campagne familiale, cliché par excellence, pas trop loin de Guérande et, par conséquent, de La Baule. La Baule, pour ceux et celles qui ne connaissent pas, c’est un mixte flippant entre bourgeois et beaufs, Ferrari et voitures de tuning. J’en rajoute à peine. En gros, c’est une station balnéaire aux portes de la Bretagne (voire en Bretagne, mais j’ai pas envie de créer de débat pour tous ces gens qui s’embêtent à déterminer s’il faut dire pain au chocolat ou chocolatine, ou encore ceux qui se demandent si le mont Saint-Michel est plutôt normand ou breton. On s’en branle. Arrête à chaque fois de nous faire chier avec tes vieux débats de merde dont tout le monde se fout, bouffe ta viennoiserie et ferme ta gueule. Désolée. J’en peux plus de ces situations). La Baule, c’est donc ce genre de ville qui, en plein été, est bourrée de Parisiens du 16e qui profitent enfin de leur maison familiale pour deux semaines et des employés de ces mêmes Parisiens qui ont économisé pendant un an pour se payer cinq jours de mobil-home. Moi, ma famille, elle est un peu entre les deux. Et, bien évidemment, pour adoucir le cliché, beaucoup le sont aussi. Et tous ensemble, dans cette microsociété qui se forme à toutes les vacances scolaires, nous nous sommes retrouvés dans un parc blindé pour y faire une chasse au chocolat de Pâques.

Sur le papier, l’idée était vraiment charmante : le soleil qui frappait nos épaules commençant à se dénuder, les rires des enfants à chaque œuf trouvé et les paniers qui se remplissent aussi vite que les estomacs. Tout était réuni pour passer un bon moment. À l’exception des animations qui avaient été organisées.

Pour des raisons qui me dépassent encore un an après, dans ce parc où étaient cachés des chocolats — ce qui aurait largement suffi à faire le bonheur des enfants —, la ville a voulu ajouter des animations. Et, si l’idée semble chouette, en réalité, ça faisait peur. D’abord, ils avaient fait venir des espèces de fées sur échasses qui ressemblaient à des monstres, parlaient d’une voix très aigüe, riaient fort et jetaient des bonbons hyper durs sur la gueule des gosses. Puis, ils avaient invité une dame chargée de faire des grosses bulles entre deux ficelles, mais qui paraissait avoir créé le concept la veille tant elle était nulle et, qui plus est, a fait exploser tout le savon en vol pour en faire tomber dans les yeux de mon neveu qui a fini en pleurs. Mais, le pire, c’était les lutins. Ou plutôt le seul gros monsieur bénévole qui avait probablement accepté de se déguiser pour l’occasion. Le même qui, six mois après, est sûrement le père Noël. Et lui, pour le coup, il était gentil. Tellement gentil qu’il a même failli me rouler une pelle et me laisser son numéro.

Cette année, donc, la chasse aux œufs, on la ferait chez moi.

Là où il n’y aurait ni lutin, ni fées démoniaques, ni artistes amateurs qui faisaient des grosses bulles. Il n’y aurait que nous, la famille.

J’avais tout prévu. Il faut dire que c’est mon truc, d’accueillir. J’aime faire des petits plats, plier une jolie serviette de bain sur un lit tout propre, mettre parfois même une carte de bienvenue et une rose blanche sur le coussin. J’adore prendre soin des gens que j’aime. Bien que, dans les faits, une fois qu’ils sont tous là, je n’attende qu’une seule chose, c’est qu’ils se cassent, et je tire la gueule presque toute la journée. La beauté de la complexité humaine.

J’ai foncé au supermarché, acheté de quoi faire un bon repas, et surtout profité des promotions sur les chocolats de Pâques. C’est d’ailleurs l’un des avantages de le faire avec une semaine de retard : tout est à moitié prix (parenthèse économique : 12 € le Kinder Surprise géant ? 12 € ? Vraiment ?!). J’ai dévalisé les rayons, je suis rentrée chez moi, j’ai accueilli mes parents et, avant l’arrivée du petit prodige, installé les chocolats dans mon jardin, accompagnée de mon fidèle Gégé qui, à chaque pose, s’empressait d’essayer de les manger. Autant vous dire que la mise en place a été longue.

Et puis, il est arrivé. Axel, mon neveu.

Pas tout seul, évidemment. Jusqu’à preuve du contraire, aussi intelligent soit-il, il ne conduit pas encore. À peine a-t-il débarqué qu’on le sollicitait déjà. Les bisous de la grand-mère, les jeux du grand-père et, mea culpa, les « Viens faire la chasse dehors » incessants de la tante. Je l’ai empêché de retirer ses chaussures, l’ai porté pour traverser le salon alors même que les chiens l’avaient massacré, l’ai foutu dans le jardin et, sous le regard plein de tendresse de la famille, lui ai expliqué les règles. Bon, c’est à ce moment que j’ai compris qu’il n’avait toujours QUE deux ans et demi. Scoop : à deux ans et demi, t’es pas encore l’œuf le plus rond du panier. En d’autres termes, t’es encore un peu con et pas vraiment apte à réfléchir. Alors, c’est sa grande gigolette de mère, ma sœur, qui a commencé à faire la chasse. Puis, après un ou deux œufs collectés, le gamin a compris et couru dans tous les sens pour dénicher ses denrées. Nous, on l’a observé, on l’a filmé et on l’a admiré… au moins les dix premières minutes. Parce qu’ensuite, c’était long. Super long. Il mettait quinze minutes à trouver un chocolat qui était littéralement sous ses yeux et faisait tomber tout son panier dès qu’il en récupérait un autre. Bref, la petite table au soleil avec la bière fraîche semblait plus intéressante.

Alors, laissant Axel profiter, nous nous sommes posés entre adultes et avons commencé à refaire le monde. Un bon moment comme on les aime. Tout était parfait. Tout, jusqu’au moment où mon neveu, après plusieurs longues minutes de chasse, s’est installé au sol derrière nous et a commencé à déguster ses chocolats. Dont l’un qui, bizarrement, avait une forte odeur de merde… Sans même pouvoir l’arrêter, je l’ai vu, devant moi, attraper à pleine main la chiasse de Gégé qui avait sans aucun doute vidé ses intestins des œufs qu’on lui avait interdit de manger, mais qu’il avait dû chiper quelques heures plus tôt. Je l’ai vu saisir cette grosse merde et, dans un geste précis, sans bavure, la mettre dans sa bouche avant de mastiquer à pleines dents ce qu’il pensait être un chocolat de Pâques. J’ai hurlé, il a pris peur, balancé la crotte, sa mère s’est levée, a vu la bouche de son fils recouverte d’excréments, s’est précipitée pour lui nettoyer le visage, marchant dans la merde jetée au préalable. Dans la baraque, l’odeur suivait le petit à qui on avait fait avaler un tube de dentifrice. Les chocolats, eux, n’ont jamais été mangés car, je le cite : « C’est du caca. » C’est ainsi que je me suis retrouvée à faire une chasse aux œufs de Pâques seule, dans mon propre jardin, pour remettre la main sur les trésors que mon neveu n’avait pas cherchés, trop occupé à bouffer la merde de mon chien, ce jour où j’ai fait Pâques à la maison