Vendredi 27 janvier 2023. L’envie furieuse de ne pas rentrer à mon appartement et de retrouver mes amis, alors même que je venais de dormir chez l’un d’eux. Comme un saut dans le temps, j’ai renoué avec mes passions d’antan, lorsque, culotte dans le sac et brosse à dents qui avait ramassé toutes les pelures de mon sac, je voguais de lit en lit, squattant chez mes potes après des soirées étudiantes trop arrosées. Oui, c’était toujours chez des potes, malheureusement pour ma chatte. (Même si, je me souviens encore de cette nuit, où sans raison apparente, je suis partie rejoindre Quentin. Il mérite bien une parenthèse. J’avais 20 ans à peine et je venais de me séparer de mon premier amour. Il était grand, très grand, un basketteur aux larges épaules qui séduisait toutes les filles en STAPS, en commençant par moi. Ce qui est drôle, c’est qu’avec ce Quentin, nous étions ensemble en primaire. Mais à cette époque, il avait le bide aussi gros que mon cul et surtout, des mains aussi petites que son courage. Bref, en somme, il ne m’avait pas séduite. Mais cette fois, j’en suis tombée amoureuse dès que je l’ai revu. Je lui ai couru après pendant des jours, des semaines et, malchanceux qu’il était, il habitait à une rue de chez moi. Avec les hommes, j’ai toujours été très timide. Sauf la nuit. La nuit, comme si une pulsion animale animait mon corps, je me révèle. C’est ainsi que je me suis retrouvée, à trois heures du mat’, à le harceler par SMS en insistant fortement pour le rejoindre chez lui. Le pauvre homme, la bite en folie devant mes avances mais la tête peu attirée, a fini par accepter. Moi, j’étais chaude. Je me suis rapidement retrouvée à califourchon sur l’animal, à lui rouler des pelles endiablées, avant qu’en plein milieu, il ne m’arrête en me disant : « Noëllie, je suis désolée, je pense à une autre fille. » Un beau moment. Un très beau moment. Quatre heures du mat, je suis rentrée chez moi la culotte trempée et l’égo noyé.)
Ce vendredi 27 janvier, je quittais donc un ami pour en rejoindre un autre. Autre que vous connaissez bien, car il s’agit d’Alex que vous voyez régulièrement, que vous aimez (ou pas d’ailleurs) et qui est une personne exceptionnelle. Si exceptionnelle que même malade, il m’avait invitée chez lui.
Sur le papier, il m’avait décrit une intoxication alimentaire. Je cite : « Un petit restaurant turc qu’on a testé la veille et qui n’est visiblement pas passé. » Une nuit de vomi, un dodo de vingt heures et, bien que barbouillé, il semblait enclin à m’accueillir. J’ai donc débarqué, prête à lui donner mon énergie. Si la journée s’est finalement bien déroulée, c’est le soir que tout a basculé, lorsque son amoureux, Geoffrey, est rentré du travail. Moi, j’étais toujours très en forme (cf. l’impro d’Omar Sy). Très, très en forme. Ce genre de forme où je suis en monologue à raconter en détail le dernier texto que j’ai reçu d’un crush pourri qui n’a, évidemment, pas fait ce qu’il fallait. Dans ces moments, rien ne m’arrête. Rien, sauf Geoffrey qui, entre deux parts de pizza, nous a confié qu’il fallait qu’il s’éclipse. Vite. Vraiment vite. En quelques secondes, on l’a vu s’enfiler l’escalier pour foncer jusqu’aux toilettes et entendu se vider entièrement d’un coup avant de redescendre le teint blafard, accompagné d’Alex qui s’était précipité à son chevet. Et moi, au milieu de tout ça, je suis restée assise, Coca dans une main, pizza au chèvre dans l’autre, à comprendre. Comprendre que moi aussi, j’allais y avoir droit. Parce que d’abord, il était peu probable que ce soit une intoxication alimentaire plus de 24 heures après, et surtout, surtout, parce que j’allais passer la nuit entière chez eux, au milieu de leurs microbes, microbes qui devaient déjà être en train de danser la Carioca dans mes intestins en se tapant leur meilleur check.
Et puis, je dois vous avouer un secret. La gastro et moi, c’est une belle histoire d’amour. Depuis toujours, j’ai la chiasse. Disons-le clairement. Anxiété, stress, microbes, tout est une raison pour déféquer de travers. En Afrique du Sud, j’ai chopé la tourista. En vacances à Montpellier, j’ai mangé un melon pas frais et j’ai investi les chiottes pendant toute une journée. En Australie, je suis restée sous la douche trois heures à me vider du cul. Et chaque mois, pendant mes règles, je perds autant d’un trou que de l’autre. Bref, c’est un cataclysme dans mon anus, dès qu’il le peut. Alors, j’ai été honnête avec moi-même : je n’y échapperais pas.
Je me suis donc couchée dans ce lit d’ami, pas trop loin des toilettes, prête à agir s’il le fallait. Et à ma grande surprise, rien. Au petit matin, toujours rien. Durant toute la journée du lendemain, alors que je vaquais à mes occupations entre sorties avec mon neveu, resto avec ma sœur et ciné avec mes potes, toujours rien. Un miracle. C’était un miracle. Jusqu’au moment du coucher, une fois rentrée, dans mes propres draps. La colère de Dieu s’est abattue. D’abord, il m’a laissée m’endormir, tranquillement, me persuadant que j’y avais échappé. Et puis, au milieu de la nuit, je l’ai senti arrivé. Mais, comme un coup du sort, ce n’était pas l’anus qui parlait. Non. C’était l’œsophage. J’avais envie de vomir. En quelques secondes, je me suis retrouvée à courir jusqu’aux toilettes et me suis vidée. Toute la nuit. J’ai multiplié les allers-retours, me gerbant parfois dessus, tentant une bouillotte ou restant sous la douche, n’ayant plus rien dans le ventre et les larmes aux yeux. J’ai cru y passer. Je me suis blottie dans mes draps, attendant le lever du soleil comme un sauveur. Mais même lui n’y pourrait rien.
J’ai à peine dormi ; j’avais le ventre vide mais sans aucune faim, la tête qui bourdonnait et le cœur lourd. C’était une gastro. Une gastro-vomi.
Je me suis levée avec peine et j’ai passé ce qu’on appelle une journée compliquée. J’ai remercié la vie de m’avoir offert l’opportunité d’adapter mon emploi du temps avant de l’insulter quand, une fois encore, je me suis retrouvée la gueule dans les chiottes à cracher de la bile. J’ai serré les fesses pour ne pas me vider par-derrière et attendu que ça passe.
Les deux jours suivants, je n’ai pas vomi. Les intestins m’ont joué des tours et m’ont empêchée de manger, si bien que je me suis retrouvée à bouffer des lentilles alors que je n’avais rien avalé depuis 48 heures. J’étais une loque et, seule bonne nouvelle dans tout ça, j’ai perdu deux kilos en deux jours, que j’ai probablement repris à l’instant même où j’ai pu manger normalement.
Alors, de cette histoire, je retiens une question dont je n’ai toujours pas la réponse. Moi, grande experte du cul qui fuit, maintenant adepte du vomi du vide, je me suis retrouvée face à une nouvelle réalité et, dans une minute intellectuelle de la plus haute importance, je me suis interrogée : quel est le pire ? Chier en spray sans pouvoir t’arrêter au point d’avoir l’anus bouillant ou vomir jusqu’à avoir un organe qui serait capable de sortir de ta bouche tant ton œsophage est dilaté ? Perso, mon cœur hésite encore. En revanche, ce dont je suis certaine, c’est que, par mesure de précaution, j’éviterai les restaurants turcs dans les prochains mois. C’est ce que j’ai retenu, ce jour où j’ai eu une gastro.