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Ce jour où j’ai découvert les petits culs

bkg B Club

Lundi 4 octobre 2021. Je m’étais fait une promesse : celle de me reprendre en main. Il faut dire que les mois qui avaient défilé s’étaient avérés compliqués. Ma situation avait beaucoup évolué en une année : j’avais démissionné, troqué mon appart parisien pour une maison en campagne et je passais souvent mes journées seule. Tout avait changé. Et mon corps aussi.

J’avais pris du poids.

Et là n’était pas le problème. Le problème, c’était tout ce qui en découlait : je me détestais. Je ne prenais plus soin de moi, de mes ongles à mes cheveux ; je négligeais chacun de mes vêtements quand je prenais la peine d’en mettre. Et le pire, c’était que je n’arrivais plus à me ressaisir. Je subissais, trouvant des excuses à chaque bouchée, à chaque squat manqué.

Mais en septembre, je suis partie en tournée, à votre rencontre. Sur chaque photo, je me voyais et me flagellais. C’était décidé : à mon retour chez moi, je reprendrais les choses en main. J’avais déjà le plan en tête. Je commencerais avec l’équitation que j’avais arrêtée depuis des années, j’enchaînerais avec la danse que je voulais essayer depuis toujours et, coup de poker, j’attaquerais les burpees dans une salle de sport. Ça, ce serait sans doute le plus difficile. Parce que je m’imaginais débarquer là-bas, voir tous les regards me juger, monter sur une machine que je connaissais à peine et entendre les chuchotements critiquer ma technique. Dans ma petite cervelle, à la salle de sport, il n’y avait que des connards bodybuildés et des pétasses impeccablement gaulées. Je n’avais pas tort. Sauf sur la partie connards et pétasses. Car en réalité, ils sont comme moi. Mais en mieux.

Dans cette fameuse salle, j’ai croisé des gens parfaitement foutus, parfois même trop. Tous les clichés y étaient réunis : de la meuf au cul aussi dur que mon âme en passant par l’homme aux bras surdéveloppés et aux jambes de poulet, jusqu’à celle en surpoids qui se bute au cardio. La dernière, c’était moi. En sueur, mes poumons à l’agonie, je me contentais de faire ce que je connaissais pour commencer : le tapis. En réalité, je n’ai essayé que ça pendant des semaines. Au moins, mon cardio était bon. Et puis, au tapis de course, je lui dois une chose : son positionnement. Parce que la partie cardio, elle surplombe toute la salle, permettant une vision à 360 °. Un pigeon. J’étais un pigeon. Et le pigeon, il venait de trouver ses graines.

Autour de moi, des dizaines de mecs plus canon les uns que les autres. Parfois même trop. Oui, c’est possible. Moi, j’aime les hommes beaux, mais j’aime encore plus les hommes qui ont du charisme, de l’humour, de l’intelligence et surtout, surtout, du charme. Et eux, ils en avaient peu. Ils étaient l’archétype de la beauté. Celle qu’on idéalise, qu’on fantasme, qu’on met dans nos rêves ou au mieux dans nos lits, mais qu’on ne garde pas pour les barbecues entre potes au bord de la terrasse un soir d’été. Du coup, si mon clitoris les validait, mon cœur, lui, restait perplexe. Jusqu’à ce qu’il débarque, celui qui allait conquérir ma chatte, mais aussi mon âme : LE BOXEUR.

C’était un soir comme un autre.

Brassière qui soutient mes gros nichons, cul moulé dans le legging et écouteurs dont les fils s’emmêlent aux oreilles, je passais avec fierté ma carte pour aller muscler mon corps (déjà) de rêve. Et, à ma grande surprise, je suis restée bloquée devant la porte, mon pass m’interdisant l’accès. C’est à ce moment qu’il est apparu, comme un sauveur, glissant sa main contre la mienne pour m’aider à entrer. « Mais entre, bébé, les portes sont grand ouvertes », avais-je envie de lui crier. Mais je me suis contentée d’un sourire, sans doute beaucoup trop crispé. Car il m’avait plu. Il était grand, mais pas trop ; musclé, mais pas bodybuildé ; beau, mais surtout charmant. Casquette à l’envers, gants de combat à la main, je venais de le comprendre : il était le nouvel homme de ma vie.

Oui, j’en ai plusieurs, et très régulièrement. Probablement un toutes les deux semaines. Je peux tomber amoureuse en un regard. Et, histoire de simplifier la tâche, l’oublier à l’instant même où je lui parle. Ce que j’aime, c’est le fantasme que je crée autour de ces hommes, et le boxeur n’allait pas y échapper.

Pendant des jours, je l’ai maté. J’analysais ses comportements, ses séances, ses attitudes et j’étais même jalouse des textos qu’il envoyait sans arrêt. Oui, il devait avoir une meuf. Peut-être deux ou trois. Je le voyais tapoter aussi vite que je me vexais, sourire devant son écran et partager ses discussions à ses potes. C’était le signe : je devais agir.

Ça, ce n’est pas mon truc. Je vous l’ai dit, mon truc à moi, c’est d’attendre sagement que rien ne se passe. Parce que, ne nous mentons pas, ces mecs-là ne nous captent jamais, encore moins quand notre technique d’attaque est justement de les ignorer au maximum. C’était donc évident : si je ne me bougeais pas, les bras musclés de mon boxeur ne me serreraient jamais avec amour et sa bite puissante ne me transpercerait jamais avec passion. Je devais me faire violence, pour l’amour du cul.

J’aurais pu me contenter d’aller le voir, lui demander s’il pouvait me coacher, en profiter pour prendre son numéro, caler un premier entraînement et lui sucer la teub entre deux uppercuts. J’aurais pu faire ça. Mais j’ai préféré laisser l’artiste opérer.

Alors qu’il entamait une course effrénée sur le tapis, je me suis installée à ses côtés, remerciant le dieu du sport de m’avoir gardé une place libre. C’était une bénédiction. L’univers était avec moi… enfin, presque.

J’ai retiré mon t-shirt pour laisser apparaître mes bourrelets et mes gros nichons, attaché mes cheveux qui, trop courts, se barraient dans tous les sens et me suis essoufflée après seulement trois minutes de course. Sans grande discrétion, je lui ai souri en espérant qu’il amorcerait la discussion. Il n’en a pas eu le temps.

En quelques secondes, tout s’est enchaîné. D’abord, l’un de mes AirPods est tombé, roulant sous son tapis. On critique les écouteurs avec fil, mais, jusqu’à preuve du contraire, ils empêchent de terminer à quatre pattes devant un mec qu’on idolâtre, à chercher un vieux truc qui coûte un quart d’un SMIC, qui n’a jamais de batterie et qui n’arrive même pas à tenir dans une oreille. Forcément, en me voyant en levrette vers son tapis, le boxeur a fini par me demander ce que je foutais. Non, Monsieur, je ne suis pas en train de mater tes boules. J’ai bégayé, montré mon AirPod après l’avoir retrouvé et j’ai de nouveau foncé sur mon tapis, incapable de saisir cette occasion pour entamer la discussion. Et, affolée, comme pour avoir l’air cool et oublier ce moment, j’ai rattaché mes cheveux et attrapé mon eau afin d’imiter une fille sexy qui se déshydrate. Dans ma réalité, la gourde m’a échappé des mains pour finir sur le tapis de l’homme de ma vie qui, propulsé à treize kilomètres-heure, a trébuché, s’est tapé violemment le menton contre le minuteur et s’est étalé de tout son long sur la machine qui l’a projeté contre le mur. Dans un cri qui a stoppé toute la salle, j’avais mis mon boxeur K.-O.

Je me suis jetée sur lui, présentant mille fois mes excuses et hurlant d’appeler les pompiers. Après plusieurs longues minutes d’agonie, ils ont débarqué, concluant à une fracture de la cheville et une immobilisation pendant plusieurs semaines. Je venais de niquer sa carrière et, avec, mes faibles chances. Mais, alors que je pensais avoir perdu le petit cul de ma vie, j’en ai découvert plein d’autres. Autour de moi, et surtout autour de lui, des dizaines de petits culs étaient à son chevet. Tous plus gentils et beaux les uns que les autres. Aveuglée par le boxeur, j’en étais devenue exclusive. J’ai donc laissé partir mon petit cul favori, qui n’est d’ailleurs plus jamais revenu à la salle, pour laisser tous les autres prendre possession de mon corps. Au sens figuré, tout du moins. Et je n’ai jamais quitté la salle de sport, depuis ce jour où j’ai découvert les petits culs.