La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai croisé sa meuf

bkg B Club

Samedi 9 mars 2024. 20 h 32. Dans ma voiture, la pluie qui frappait sur mon pare-brise, ma meilleure amie côté passager, et nous deux qui rentrions d’une journée à Paris. Classique. Jusqu’à l’arrivée dans ma rue, à trois pas de mon garage : au rond-point, je l’ai aperçu au loin. Mon crush. Enfin presque. Parce que pour être honnête, j’ai jamais vraiment crushé sur cet homme. 

Lui, « monsieur Pascrush », il a très rapidement été classé dans les mecs avec qui ça ne pourrait pas fonctionner. Pourtant, il n’était pas trop mal. Musclé, blond, les yeux clairs, gentil, presque drôle et serviable. Sur le papier, il avait de quoi plaire. Oui, mais si de belles épaules peuvent me faire perdre mes moyens, cela n’empêche qu’elles sont autorisées à me soulever uniquement lorsque le cerveau auquel elles sont reliées est capable d’émettre des opinions intéressantes. Ce n’était pas le cas. Monsieur Pascrush, il était limité. Sans offense aucune. De sa bouche, des paroles qui manquaient de réflexion sortaient souvent, jusqu’à proposer des conclusions dignes d’une émission BFMTV. Bref, nous n’étions pas vraiment d’accord sur la marche à suivre dans la vie. Et ça, c’est problématique.

Malgré ça, monsieur Pascrush était cool. Au moins pour discuter de temps en temps… et se booster un peu l’égo. Car cet homme, bien qu’on ait peu de choses en commun, il m’aimait bien. Textos, petites attentions, sourire en coin lorsqu’on se croisait et excuses bidon pour me parler. Classique, encore une fois. Pendant plusieurs mois, il a fait le paon et tenté sa chance, aussi infime fût-elle… jusqu’à disparaitre. Du jour au lendemain, je n’ai pratiquement plus eu de nouvelles. À dire vrai, je m’en foutais complètement. Pire : je ne l’avais même pas vraiment remarqué. Jusqu’à ce jour. Ce fameux samedi 9 mars, au retour de Paris. Je l’ai vu, lui… et ce qui ressemblait à sa meuf. Sa nouvelle meuf. Et là, le choc. Non, le surprendre avec une nana n’a pas été une révélation de mon amour pour lui, non. Je n’ai pas été jalouse, je ne voulais pas qu’il me revienne et qu’elle disparaisse dans les ténèbres. Non.

Le choc était autre. Le choc était celui de mon sosie, version Wish. 

Je sais, vous devez penser que je suis une connasse, et vous avez raison. Mais c’est vrai. Cette femme, probablement nommée Noémie, était une pâle copie de moi, en format Lidl. Ne vous méprenez pas, j’adore Lidl. Mais je le voyais. Ses cheveux étaient bouclés seulement à la pointe, son cul était gros sans pour autant égaler celui de Beyoncé, son rire semblait fort mais forcé et son regard ne frôlait que le sol. C’était une Noëllie, version ratée. Vous allez penser que je suis jalouse, encore une fois. C’est faux, je suis simplement réaliste.  Noémie me volait monsieur Pascrush et j’avais besoin de plus d’infos.

Sans perdre une minute, j’ai garé ma voiture, foncé dans mon salon pour m’installer à mon centre de contrôle et attendu qu’ils passent devant chez moi. C’était leur itinéraire, à en croire la route qu’ils avaient empruntée. Puis, dans un excès de confiance, j’ai voulu plus. Car si physiquement, une version Wish de moi arrivait à le convaincre, je devais me rassurer avec l’intérieur. En d’autres termes : je devais savoir ce que le cerveau de cette femme valait. 

C’est alors que j’ai commis l’erreur. Dans le noir complet, accroupie au sol, j’ai ouvert la fenêtre pour pouvoir les entendre. Pendant les longues minutes qui ont précédé le drame, je me suis questionnée. Et si c’était sa sœur ? Qui se promène dans un village à 21 h alors qu’il pleut ? C’était donc ça, ses dates ? J’étais un poil mauvaise, mais surtout curieuse. Encore une fois, certaines penseront que je suis jalouse ; eh bien, Mesdames, si tel est le cas, c’est que vous n’avez pas l’amour du potin. Moi, le potin, il coule dans mes veines, il nourrit mon âme et s’accouple avec mon cœur. Le potin, c’est ce qui me fait survivre dans ce monde de merde. Le potin, c’est ma seule raison d’exister. Sans en faire trop. Alors oui, à quatre pattes dans mon salon, fenêtre à moitié ouverte, je jubilais. Jusqu’à ce que l’univers se retourne contre moi.

Au loin, je les entendais s’approcher. C’était donc sûr : ils passeraient littéralement sous ma fenêtre, fenêtre qui était à hauteur de tête et donnait directement sur la rue. Une aubaine. J’ai tendu l’oreille et tenté de percevoir leur discussion. C’était niais, c’était mielleux, c’était clairement un début de relation.

Évidemment, le son ne m’a plus suffi et j’ai voulu l’image. Je me suis donc discrètement relevée pour les apercevoir. 

Ils avançaient doucement, comme dans ces films romantiques où les deux protagonistes se tiennent la main et, trop absorbés par l’amour, ne se rendent pas compte qu’ils mettent quinze minutes à parcourir 200 mètres. Il faisait des blagues nulles, elle en riait. Elle faisait de bonnes blagues, il ne les comprenait pas. Un couple qui faisait rêver, donc. 

Moi, j’enregistrais tout, presque le calepin à la main, pour le moment de grâce, le passage devant ma fenêtre. On y était. Je pouvais la voir avec exactitude : ses traits, ses cheveux, sa peau, ses vêtements de mauvais goût et son jean qui moulait son boule flasque. Noémie. C’était définitivement une Noémie. Mon cœur tambourinait, non pas parce que j’étais une garce cachée pour espionner un gars qui n’était pas le mien et que je n’aimais même pas, mais car j’offrais à mon samedi soir un rebondissement digne des plus grands. Je me sentais comme James Bond, comme madame Smith, comme Kim Possible. Jusqu’au moment du drame. 

Toujours au sol, tandis que le couple parfait s’arrêtait presque devant ma fenêtre tant il perdait du temps en minauderies, Gégé est entré dans la danse. Car lui, il se fichait de savoir qui était là ; la seule chose qui lui importait était de protéger sa maison. Alors, dans un élan que je n’ai pu retenir, il s’est mis à hurler.

À hurler si fort que, par réflexe, j’ai crié à mon tour, comme une idiote qui méritait ce qui lui arrivait : « Chut, Gégé, on va nous griller ! » Chut, Gégé, on va nous griller. Tant de mots que j’avais instinctivement décidé d’assembler pour, en effet, me griller. 

« Noëllie, t’es là ? » a bien sûr immédiatement réagi monsieur Pascrush.

Oui, je suis là, gros naze. Je suis là, allongée dans mon salon à vous espionner, toi et ta go. Je suis là. C’est ce qu’il a constaté lorsque ma petite tête est apparue et que, feignant la surprise, j’ai tenté le : « Ohhh, bah qu’est-ce que tu fais ici ? » Monsieur Pascrush aurait pu être un enculé. Il aurait pu me rétorquer que c’était à moi de répondre à cette question, il aurait pu me juger fort en constatant que j’étais encore plus folle que ce qu’il pensait, il aurait pu beaucoup de choses, mais il n’a rien fait. Lui, il est resté digne et, me rappelant combien il était gentil, m’a simplement proposé, comme une évidence : « On se promène, tu veux venir ? » Un plan à trois. Voilà qu’il m’offrait un plan à trois. Dans ma tête, j’ai vu la scène. Lui, Noémie et moi, nous promenant sous la pluie un samedi soir. Nous serions probablement le potin d’une autre, et rien que pour ça, je devais accepter. C’était ma mission, c’était ma destinée. C’est ce que j’ai compris, ce jour où j’ai rencontré sa meuf.

PS : Tout ceci est écrit par une professionnelle. Merci de ne pas reproduire ce genre d’actions chez vous. Une bonne partie de cette nouvelle est romancée. Noémie, je t’aime. Monsieur Pascrush aussi. Non, je déconne.