La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai fêté Halloween

bkg B Club

Lundi 31 octobre 2022. Ce fameux jour où on fête Halloween. Et je n’étais pas en reste. J’adore cette fête, même si, avec les années, les choses semblent bien avoir changé. Maintenant, les enfants demandent des cigarettes et plus des bonbons, la vilaine sorcière s’est transformée en lapine sexy et les araignées en plastique sont vivantes. True story. Un conseil : lorsque vous retirez la déco, vérifiez qu’il s’agit bien… de la déco. Malgré tout ça, j’adore Halloween. L’ambiance glauque, le fantastique, les vampires, Buffy, les gens morts et ceux qui pourraient bientôt l’être. J’adore Halloween. Et ma meilleure amie aussi. Chaque année, elle y va fort.

Elle et moi, nous avions tout testé.

Les murder parties, les bars avec maquilleuse professionnelle, les pièces de théâtre spéciales horreur, les cinémas spécial cannibales et les soirées déguisées où la moitié des nanas sont plus sexy qu’effrayantes. Spoiler alert : je faisais partie de la moitié dégueulasse. Une année, nous avons eu la brillante idée de tester la maison de l’horreur à Paris. Une espèce de manoir en plein cœur de la capitale, qui t’emmène dans un labyrinthe bourré de monstres et autres acteurs dont le rôle est de faire en sorte que tu te chies dessus. Et croyez-moi, ils méritaient un Oscar.

Et puis, il y a eu Halloween 2021. Celui que, pour m’éviter trop de secousses cardiaques, j’ai passé seule, chez mes parents. C’était un vendredi, et j’étais chargée de garder la maison familiale, et surtout le chien. Comme la bonne trentenaire que je suis, j’avais prévu une soirée télé, entourée d’un kebab, des animaux et d’un plaid. J’ai attrapé mon téléphone, scrollé sur une appli de livraison et constaté que dans la campagne de mes géniteurs, il n’y avait pas de scooter capable de me déposer un fastfood. Drame. Je devais donc sortir.

20 heures. J’ai enfilé mes baskets et une vieille écharpe, et me suis dirigée vers L’Eure du Kebab, seul restaurant dans un rayon de dix kilomètres et, qui plus est, avec un goût prononcé pour les jeux de mots. Quand, sur la route vers mon gras bonheur, j’ai entendu des hurlements. Et des bruits de tronçonneuse. Autour de moi, les trottoirs étaient remplis d’enfants moches. Déguisés, certes, mais moches. Sur leurs visages, du faux sang étalé. Sur leurs cheveux, des perruques de toutes les couleurs. Et sur leurs petits corps, des vêtements de pirate, sorcière ou fantôme. Des originaux, de toute évidence…

Tous se rendaient vers le point central du village, après l’église bien sûr : la mairie. Et, à ma grande surprise, ma curiosité a égalé ma passion pour le kebab et m’a poussée dans cette direction à mon tour. Devant moi, l’institution s’était transformée en manoir de l’horreur. Ils avaient osé. Ils avaient osé faire de la mairie une maison hantée.

Plantée devant cette réalité, j’ai fini par vraiment m’y intéresser, plus encore lorsque des enfants sont venus me proposer de les accompagner. Les accompagner ? Ces petits cons dont les citrouilles en plastique étaient pleines des bonbons de fond de tiroir dont les familles ne voulaient plus souhaitaient que je les accompagne ? N’avaient-ils donc pas de parents ?

Devant les yeux larmoyants d’un diable mal maquillé, j’ai fini par accepter. Après tout, il commençait à faire froid et, à la suite de mes nombreuses expériences, j’étais probablement leur meilleur soldat.

Ça, c’est ce que j’ai pensé avant d’entrer dans cette fucking mairie. Car une fois le premier pied ayant passé la porte, l’enfer m’a souri. À mon bras droit, une gamine s’agrippait, persuadée que j’allais la secourir. Derrière, elle était là. La fameuse. Celle qui m’avait convaincue de lâcher mon kebab et qui avait titillé ma curiosité. Celle qui avait collé cette gosse greffée à moi et qui m’a fait perdre une corde vocale. Celle qui m’a poussée à courir plus vite que je ne m’en croyais capable. LA tronçonneuse. À toute vitesse, un cinglé beuglait derrière nous, son objet de malheur brandi, prêt à nous découper. C’est en tout cas ce que mon cerveau a pensé à cet instant.

Petit souvenir de ce moment…

Poussée par un instinct maternel que je n’ai pourtant pas, j’ai gardé près de moi la gamine apeurée, lui promettant qu’il ne lui arriverait rien. J’ai enfoui sa tête dans mes bourrelets, lui ai répété de fermer les yeux alors même qu’elle ne voyait rien, cachée par mon gras. J’ai pris une grande inspiration et bravé les quatre uniques pièces que le village de mes parents avait décorées et qui, pourtant, me glaçaient le sang. J’étais matrixée et ma seule obsession était de sauver cette gosse dont je ne connaissais pas même le prénom d’un danger imaginaire. Et puis, dans un élan de survie, j’ai cessé de courir, je me suis plantée tel un poteau devant ce connard qui nous poursuivait avec son arme et, réveillant probablement le quartier qui ne devait pas beaucoup dormir, lui ai hurlé de nous laisser tranquilles. Dans son rôle, le meurtrier a continué de faire ronronner sa scie électrique et m’a tenu tête. J’ai chuchoté à ma protégée de rester derrière moi, comme l’héroïne que je pensais être, me suis approchée de lui avec détermination et j’ai agrippé mon sac à main avec force, avant de lui jeter à la gueule. Toute la sécurité — composée d’une personne — s’est précipitée sur le pauvre homme au sol et m’a hurlé de quitter les lieux. C’est à ce moment que j’ai décidé de ne plus fêter Halloween.

Cette année 2022, donc, j’ai opté pour du soft. Du vrai soft. J’ai anticipé pour m’éviter de sortir de chez moi pour un kebab, j’ai prévu le gras directement dans mon four et j’ai fermé à clé portes et fenêtres. Tout était parfait. Pour rester dans le thème, et sans rancune, je me suis installée devant un film d’horreur avant d’être interrompue par des coups à ma porte. Évidemment, c’était Halloween. Quand j’ai ouvert, sans surprise, ils sont apparus face à moi. Les petits monstres déguisés pour l’occasion. Bien sûr, ils me provoquaient : un bonbon ou un sort. « Eh bien, jeune con, ce sera un sort, car je n’ai pas de bonbons », ai-je voulu répondre, avant de me contenter d’un :

— Non, petit diable, je n’en ai pas, désolée.

Comme une vengeance, le « petit diable » a vraiment pris vie et, fixant son regard sur ma bedaine, a rétorqué :

— C’est parce que vous les avez déjà tous mangés ?

Il a osé. J’ai voulu attraper ses cornes et lui foutre dans le cul. Je me suis contentée de sourire en rentrant mon ventre et de fermer la porte. Derrière, je l’entendais discuter avec ses potes, insistant :

— Elle les a tous mangés, hein ?

C’est à cet instant que j’ai décidé de partir vivre en Laponie chaque fin d’octobre, pour être certaine de ne plus jamais le subir, ce jour où j’ai fêté Halloween.