10 août 2023. 21 h 30. Autour de moi, mes deux potes. Le fameux couple qui s’aime à la folie, les tourtereaux qui, affalés dans le canapé, se grattent les cheveux et se caressent les pieds, qui se disputent quand l’un fait croire à l’autre qu’il va se marier avec un nouveau gros con. J’étais donc dans ce contexte, dans une maison au milieu de la campagne, devant une télé trop petite qui diffusait une émission sur des parents qui cherchent l’amour et qui sont espionnés par leurs enfants, à dévorer des crêpes recouvertes d’une pâte à tartiner qui tente désespérément de faire concurrence à Nutella, et surtout, à vouloir lui écrire.
Jusqu’à présent, j’étais fière de moi.
Fière d’avoir tenu deux semaines sans envoyer de message à celui qui m’avait brisé le cœur en me disant qu’il ne pouvait pas s’engager avec moi, à celui qui n’était pas prêt pour plus, qui a flippé quand j’ai ne serait-ce que prononcer le mot « couple » et qui, bien qu’amoureux, m’a laissée partir. J’étais fière de m’être rappelé que, non, on ne se contente pas des miettes, même celles d’un pain qui a gagné le prix de la meilleure baguette 2023 ; que non, on n’attend pas qu’une personne change sauf si c’est de slip ; que non, une levrette de temps en temps ne suffit pas à combler mes besoins bien que mon vagin me le fasse croire ; et que non, je n’ai pas à les modifier, ces fameux besoins. J’étais fière d’avoir résisté à mon téléphone, aux messages nocturnes, aux réponses aux stories, à l’algorithme Insta qui ne m’envoyait que des publications que je voulais lui faire lire et aux vieux TikTok de merde qui me rappelaient nos délires. J’avais tenu. Deux semaines.
Mais ce soir, ce soir du 10 août, à 21 h 30, j’ai eu envie de crever. Dans mon corps, je l’ai sentie, la douleur. Celle qui te donne envie de vomir si tu manges encore une crêpe, de balancer ton cœur au fond des chiottes et de le voir disparaître, de crier très fort du haut d’une falaise avant de te jeter. Celle qui te donne simplement envie de courir dans ses bras en te négligeant. Elle était là, cette grosse pute. Je voulais lui parler. Pas à la grosse pute. Mais à mon crush. Je voulais savoir comment il allait, prendre de ses nouvelles, lui en donner. Je voulais savoir s’il avait baisé d’autres meufs, aussi. Et puis si je lui manquais, s’il regrettait, s’il m’avait oubliée ou s’il pensait encore parfois à moi. Je voulais qu’il me dise qu’il était prêt, enfin. Je voulais que mon égo soit boosté, en somme.
Car dans ces moments, aussi incroyable que cela soit, j’arrive à me raisonner.
C’est que toutes mes introspections ont finalement servi à quelque chose. Comme ma meilleure amie l’aurait fait, elle qui était allongée avec son mec dans le sofa à cet instant, je me répétais tout ce qui m’avait fait tenir ces derniers jours. Je me répétais que lui écrire un message ne servirait à rien. Sur celui-ci, au mieux, il me dirait ce que je sais déjà, qu’il m’aimait mais qu’il n’était pas prêt pour moi, et que oui, il en était triste. Au pire, il me dirait qu’il m’avait zappée. Dans les deux cas, la finalité était la même : nous ne serions toujours pas ensemble et je serais malheureuse, encore plus. Alors, je me suis persuadée qu’il ne fallait pas, même si j’en mourais d’envie.
En ce moment, je m’interroge toujours. Et d’ailleurs, si je vous écris cette nouvelle, c’est dans l’espoir que, si vous traversez cette merde qu’est la rupture, elle puisse vous faire bien. Je me pose donc encore cette question : « Qu’est-ce qui te manque vraiment ? »
Sans faire de la psychologie de comptoir, on le sait, il est parfois difficile de déterminer ce qu’on aime réellement. Est-ce que c’était la personne ? la relation ? l’imaginaire qu’on avait de la relation ? le potentiel de la relation ? ou tout simplement, le fait que quelqu’un de bien s’intéressait à nous ? Eh bien, après rupture, pour le manque, c’est pareil.
Et si finalement, tout ce qui me manquait, c’était ce que je m’imaginais dans ma tête ? Et si finalement, tout ce qui me manquait c’était l’attention qu’il ne m’a jamais donnée, l’amour qu’il tempérait, l’espoir qu’il nourrissait, la tendresse qu’il évitait ? Et si finalement, tout ce qui me manquait, ce n’était pas lui ?
À 22 h 30, ce jeudi 10 août, je n’arrivais pas à prendre du recul. Je voulais juste lui écrire.
Comme une droguée en désintox. Un simple « ça va » m’aurait suffi. Avant d’avoir de nouveau besoin de plus. Plus qu’il n’aurait jamais pu combler. Alors, je me suis raisonnée. J’ai scrollé sur Insta et l’algorithme m’a sauvée. Dans mon Explorer, je n’avais que des comptes qui me disaient quoi faire pour surmonter une rupture.
D’abord, l’une d’elles donnait sept conseils : faire le point sur la nécessité de cette rupture, être indulgente envers soi-même, se choyer, stopper le fantasme du potentiel, retravailler son estime de soi, se trouver de nouveaux objectifs et, évidemment, ne plus garder contact. Tant de choses que je savais déjà et qui ne me contentaient pas. Parce qu’à ce moment, en pleine crise, dans ta tête, c’est l’homme de ta vie, aucun autre ne lui arrive à la cheville et seul lui peut te comprendre. C’est peut-être le cas. Mais pas à cet instant T. À cet instant T, il faut le fuir. Non pas parce qu’il est mauvais, mais parce qu’il n’est pas prêt et que la seule chose que tu peux faire pour l’aider, c’est de ne pas faire. Oui, je me l’écris en même temps. Après tout, autant que ce blog soit un peu une thérapie, faute de nous faire rire ces derniers temps.
J’ai donc cherché d’autres conseils sur Instagram.
Et si le détester était LA solution ? Pour mon Explorer, cela semblait être le cas. Sur un des posts, en gros, je voyais : « Ne fais pas les premiers pas ». Un machiste du nom de Guillaume qui nous recommandait d’attendre que l’HOMME écrive, afin de lui montrer notre valeur et qu’on ne se contenterait pas du minimum. Évidemment, tout ça était de la belle merde. Mais, je le reconnais, le Guigui, sur le coup, il m’a fait un petit boost… Jusqu’à me rappeler que mon HOMME à moi, comme il le disait si bien, il n’avait pas treize ans, il n’était pas au collège, il était intelligent et n’avait donc pas ce système archaïque de pensée. En gros : je voulais toujours lui envoyer un message.
Jusqu’au post de Fiona (pour les curieuses : @laplumedefiona, incroyable plume). Dans celui-ci, elle a si bien écrit que je lui vole deux phrases : « L’histoire d’amour, lorsqu’elle finit, vous prend un bout de vous. Il reste collé à l’autre quand il s’en va et il ne revient pas. » Je l’ai relu, encore et encore. C’était donc ça, la poitrine qui se serre. C’était le petit bout de moi qui était loin, sans lequel je devais apprendre à vivre. Certainement une partie de poumon, tant ma respiration peinait parfois à se faire. Je pensais à lui. À lui qui, probablement, était encore bien plus triste que moi. Je le savais. On le savait. Et c’est aussi pour ça que je voulais lui écrire. Mais, en relisant cette phrase, j’ai compris. Il avait un petit bout de moi. Un petit bout de moi qui remplaçait le texto que je n’avais pas le droit de lui envoyer. Un petit bout de moi qui, je l’espérais, lui disait encore tout ce qu’il savait déjà. C’était donc ça.
Ma gorge s’est serrée. J’ai salué mes amis en prétextant que le sommeil arrivait, je me suis installée dans mon lit et vous ai écrit ces mots. Ces mots que j’aurais préféré lui dire. Ces mots dont vous n’aurez absolument rien à foutre. Ces mots qui vous feront peut-être du bien si vous vivez la même chose. Ces mots qui m’ont permis de résister, ce jour où j’ai failli craquer.
Ps : Ouais, c’est pas fun. Mais merci, parce qu’il est 0 h 23 et j’ai résisté. <3