Ce jour où j’ai été coupée du temps
Lundi 26 décembre 2022. Lendemain de Noël. Le petit Jésus avait quitté la crèche, l’étoile était presque tombée du sapin, les cadeaux avaient tous été ouverts et le chocolat s’était installé dans mon cul. Lundi 26 décembre, le lendemain de Noël, celui qui annonçait LA semaine de l’année, la dernière. Cette semaine, c’est un multivers à elle toute seule. Pendant sept jours, tous les coups sont permis. Réveil à 14 heures, repas à 16 heures, coucher à 3 heures, lit toute la journée et pas un poil de sport à l’exception de la sortie de GG. Ces sept jours, ce sont notre purge. Ou du moins, la mienne. (bon évidemment si tu bosses… Ba courage.) Chez moi, je bénis toujours cette dernière semaine de l’année. Parce que je me débarrasse enfin de la famille. Aussi mignons soient-ils, les supporter pendant les quatre, cinq jours qui précédent le 25 décembre, enfermée dans une maison trop petite pour tous nous accueillir, les remercier pour des cadeaux dont je ne voulais pas et les embrasser pour récupérer leurs virus sont toujours de vrais défis. Encore plus depuis que mon neveu est entré dans nos vies. À l’instant même où il a éclaté l’utérus de ma sœur, je savais que les choses allaient changer. Et j’ai vite pu le constater. Ce petit morveux a eu la brillante idée de naître en octobre, soit deux mois avant Noël. Âgé de seulement quelques semaines, il avait déjà volé la vedette au sapin et attiré toutes les convoitises, alors même qu’il n’avait pas encore les yeux ouverts. Oui, mon neveu, c’est un peu comme les chiens : il est presque né les paupières collées et, vu la dureté du monde, il aurait mieux fait de les garder fermées. Et cette année, il avait deux ans. Deux ans. Le drame. Parce qu’à deux ans, le gamin, il percute. Enfin, il capte la magie de Noël, il comprend la légende du vieux chnoque et, surtout, il kiffe les cadeaux. Du coup, les parents, les grands-parents et les autres, ils en sont gagas. TOUT tourne autour de lui, surtout après les coupettes de champagne qu’on s’était enfilées. Moi, je l’aime, alors j’étais contente de le voir se réjouir en arrachant le papier — papier qui, d’ailleurs, l’amusait plus que les cadeaux en eux-mêmes. Mais, malgré mon amour, il me faisait chier. À ses côtés, impossible de prononcer une phrase sans être interrompue par lui ou les gens qui l’entourent, qui s’étonnent qu’il soit capable d’aligner deux mots ou qui s’esclaffent dès qu’il nous fait un sourire. Noël a bien changé cette année et, bien que je vous mentirais en vous disant que j’ai détesté, je suis honnête quand je vous avoue que j’étais contente de retrouver ma petite campagne pour cette fameuse semaine. Au programme, je voulais faire simple et, même si à l’instant où vous allez lire ces lignes, nous serons déjà le jeudi 29, et donc que la nouvelle année nous frappera bientôt à la gueule, il nous restera tout de même quatre jours avant d’attaquer la semaine de rentrée. Quatre jours pour profiter. Quatre jours durant lesquels je peux vous inspirer à enculer tout le monde et prendre soin de vous. Voici donc mon kit du kiff pour cette dernière semaine de 2022. Premièrement, il vous faut un endroit calme, de préférence en solitaire, même si vous pouvez prévoir une ou deux visites de la part d’un homme ou d’une femme capable de vous faire jouir. Aucune autre personne ne sera acceptée. Pas d’amis, pas de famille. Personne. Seulement un orgasme sur pattes. Et encore, n’hésitez pas à privilégier un sex-toy devant un porno. L’idée est simple : vous recentrer loin, très loin de la population de ce monde de merde. Chérissez votre solitude comme un cadeau de vous à vous, comme un moment de plénitude où seul votre bonheur compte. Deuxièmement, une fois que l’endroit de vos rêves est trouvé, nourrissez-le. Au sens propre. Il faut de la bouffe. Beaucoup de bouffe. Bien sûr, les restes des fêtes sont envisageables, surtout s’il s’agit de plats cuisinés avec amour, et surtout beaucoup de gras. Car c’est LA chose qu’il ne faut pas oublier durant cette semaine : le gras. Ne partez pas dans un délire de détox d’après-fêtes. C’est surfait et ça ne sert à rien. Tu boufferas ta salade quand tu te réincarneras en lapin, Bérénice. Pour l’instant, tu as un 42 à entretenir. Et pour ça, fais-toi plaisir. Mange quand tu veux, ce que tu veux, de la façon que tu veux. Dans ton lit, à 16 heures. Dans ton canapé à 3 heures. Devant une série ou dans ta baignoire. Pas de limites. Ensuite, coupe au maximum avec les réseaux sociaux et, de manière globale, avec le téléphone. On s’en bat les couilles de voir les influenceuses nous refiler des codes promo pour des robes de soirée vendues 49,99 € et dont la valeur est d’un euro pendant qu’on est en pyjama sous un plaid. On s’en bat les couilles de recevoir des photos sur WhatsApp de notre cousine parfaite en train de faire le tour de sa belle-famille parfaite avec ses enfants parfaits, alors qu’en réalité l’oncle de son mec essaye de la draguer à chaque réunion familiale, sa belle-mère est raciste et son beau-père est homophobe. On s’en bat les couilles d’avoir des matchs Tinder de mecs qui ont trompé des filles exceptionnelles, avant de les quitter pour niquer la Terre entière et qui, au lendemain de Noël et à la veille d’une nouvelle année, se rendent compte qu’ils ont merdé et qu’ils sont terriblement seuls. On s’en bat les couilles — qu’on n’a pas — de toute cette réalité, qui n’est même pas la nôtre. La nôtre, c’est nous. C’est nous, installées confortablement, prêtes à ne regarder qu’un écran sur lequel les films de Noël s’enchaînent, des Disney aux classiques, en passant par les inratables. Durant cette semaine, les chaînes nous traitent enfin comme ce que notre redevance télé devrait nous permettre d’être :
