
Samedi 14 septembre. Je discutais depuis plusieurs avec monsieur Chouette, le fameux dont vous avez déjà entendu parler sur ce cher B Club. Ce même homme qui n’est pas super drôle, mais qui rigole à mes blagues ; qui semble un peu boring, mais tout de même intéressant ; qui parait parfois fermé d’esprit, mais qui est capable de déconstruire certaines choses.
Bref, ce gars assez rare à trouver sur les applis, que tu n’as pas forcément envie d’aller dater, mais inversement, avec qui tu serais débile de ne pas aller plus loin. Ce genre de gars.
Deux semaines, donc, que je parlais avec lui. Je n’avais clairement pas de papillons dans le ventre, toutefois, il me donnait l’occasion de séduire à nouveau, d’avoir un joli ego-boost et de confirmer l’oubli de celui qui avait brisé mon cœur quelques mois auparavant. C’était ce dont j’avais besoin. C’était parfait. Parfait jusqu’à ce samedi 14 septembre.
Lui, il n’avait aucun souci à m’envoyer des vidéos, bien que souvent prises d’un angle qui ne me permettait jamais de le voir vraiment, mais tout de même de l’apercevoir. Moi, je n’avais jamais envoyé de vidéo. Pas par stratégie, simplement parce que je m’en battais les ovaires. Et aussi parce que la plupart du temps, mes cernes touchaient mes genoux, mes racines étaient trop apparentes et mes boutons de SPM s’affrontaient sur mon menton.
En tout cas, je n’en avais envoyé aucune pendant les quelques jours où nous avions échangé. Alors, ce samedi 14 septembre, puisque je sortais à Paris et, par conséquent, que j’avais pris du temps pour me maquiller un minimum, me saper un peu et juste car je m’appréciais, j’ai décidé de lui en faire une. Un petit coucou. Simple. Quelques secondes durant lesquelles je répondais à une phrase qu’il avait dite. Ce à quoi il a réagi en soulignant combien j’avais de beaux yeux. Excès de confiance, j’ai retenté l’expérience. Une fois encore, il a complimenté mon regard et enchaîné sur notre discussion.
Et là, ça a été le drame. Car j’ai répondu à mon tour. Certes, par une miniphrase qui ne nécessitait aucune attention particulière. Et ça, lui, il l’a de toute évidence bien compris puisque, tel le bleu de la mer, tel le bleu du ciel, le voyant de WhatsApp m’a indiqué que oui, monsieur Chouette avait bien lu mon message, mais que non, il n’avait pas jugé bon d’y répondre. Et ce pendant plusieurs jours.
À ce niveau de l’histoire, il est important de faire certaines précisions. D’abord, parce que c’est un sujet que j’ai abordé sur Instagram et que les trois quarts des commentaires m’ont tendue tant ils passaient à côté du point central, et surtout parce que mon ego était en jeu, et Dieu sait qu’il avait déjà pris suffisamment cher avec ce ghosting. Alors, voici le contexte.
Dans cette histoire, il faut comprendre que je n’avais pas d’intérêt particulier pour cet homme, donc, en soi, je me foutais de ne pas lui plaire. Évidemment qu’il est toujours vexant de ne pas plaire à quelqu’un. Prétendre l’inverse serait mentir. Mais à l’exception d’un petit coup dans mon amour propre, son ghosting à lui ne me blessait pas. Car, comme j’ai pu d’ores et déjà l’expliquer, je connaissais à peine monsieur Chouette et n’avais aucune attente envers cette personne. En revanche, son attitude interrogeait la sociologue en moi.
Car, croyez-le ou non, c’était la première fois que je me faisais ghoster. En tout cas la seule dont je me souvienne. Et ce ghosting m’a particulièrement marquée, parce que cet homme semblait intelligent, mature et bienveillant. Et pourtant, je n’ai pas eu de nouvelles, ni le lendemain, ni le surlendemain, ni même 72 heures après.
Encore une fois, j’y prêtais peu d’attention et je n’ai pas relancé, car, encore une fois, je n’attendais rien de cet échange, si ce n’est une satisfaction instantanée. Mais si Noëllie est très rapidement passée à autre chose, Lamoinsbonnedetescopines, elle, s’est saisie de l’opportunité pour créer du contenu. Forcément.
Et encore, j’ai été soft. Parce que moi, je voulais balancer les petits red flags que j’avais vus : une répartie condescendante sur l’influence, sa réponse trop sérieuse à « Tu choisirais qui pour un diner avec cinq célébrités ? » et son visage qui semblait très plat (oui, c’est un vrai red flag). Je voulais balancer sur plein de choses à propos desquelles j’avais mille punchlines. Mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas dire que sa tête pouvait faire table basse, qu’il avait l’humour d’une personne de 80 ans et qu’il avait refusé que notre premier date soit une activité drôle parce que « c’est mieux d’aller boire un verre ». Non, Chouette. Aller boire un verre, c’est relou. Des verres, j’en ai plein à la maison, et scoop, je n’ai pas soif. Nous, ce qu’on veut, c’est des dates qui ne ressemblent pas à des dates, un musée du sex-toy dans lequel se mettre mal à l’aise mais créer des premiers souvenirs, une séance de sport où nos corps peuvent suer ensemble pour la première fois, ou alors un verre, mais dans un bar au concept « Vis ma vie d’aveugle » où vous nous foutrez un bandeau sur les yeux pour finir par attraper notre main et la placer sur votre bite en prétendant que c’est notre cocktail. Voilà, ce qu’on veut. Du fun. Et pas un vieux verre d’une heure où on va se faire chier. Tout ça, j’aurais aimé le dire en story… mais je devais le réserver au B Club qui, lui, comprendrait.
Quatre jours de silence, quatre jours de ghosting qui m’ont suffi à faire du contenu sur Insta, sur TikTok, sur YouTube et sur mon podcast du B Club. Quatre jours.
Quatre jours avant qu’il ne me renvoie un message. Un message soft, qui commençait par « Petite pensée pour toi » et qui se terminait par « j’espère que tout va bien ». Un message, donc.
Monsieur Chouette ne m’avait pas ghostée, il avait simplement pris du temps. Et c’est à cet instant que j’ai compris que les hommes et les femmes communiquent bien différemment. Car moi, jamais je ne textoterais avec un mec H24 pour, dès qu’il m’envoie une vidéo de lui, cesser de répondre. Évidemment, on pourrait croire que lui n’a même pas pensé à ça, qu’il a seulement fait sa vie et que d’une heure à l’autre, il a fini par ne plus m’écrire, que cette vidéo n’est qu’un hasard dans le timing de ce silence et qu’elle n’y est pour rien. On pourrait y croire.
J’ai bien sûr répondu au message, il m’a répondu aussi. Je ne vous cache pas qu’il ne m’a pas manqué pendant quatre jours et, par conséquent, ma motivation qui était déjà faible pour le rencontrer s’en est trouvée encore amoindrie. Ainsi, je suis incapable de vous dire ce qui va se passer, si je vais finalement prendre de mon précieux temps pour aller boire son verre pourri, au risque de vraiment me faire chier. Je n’en sais rien. Mais ce qui est certain, c’est que ce jour-là, j’ai vécu le ghosting le plus court de l’Histoire.