La Moins Bonne de tes copines

Ce jour où j’ai filmé des poissons

bkg B Club

Samedi 10 août. Tout était parfait. J’étais en vacances. Enfin. Pour la première fois depuis longtemps, je prenais quelques jours avec ma meilleure pote, et le tout au soleil. Nous avions tout prévu. D’abord, le mariage de mes amis proches dans un cadre somptueux, entourés de l’Instagame, de potins et de guêpes. Mais ça, je vous le réserve pour une autre nouvelle.

D’abord parce que les 35 degrés ambiants nous faisaient rêver d’elle, mais surtout parce qu’elle était naturelle. Pour celles et ceux qui ne connaissent pas les piscines naturelles, c’est comme un lac dégueulasse, mais propre. En d’autres termes, tu te retrouves à nager avec quelques petites algues et des poissons, le tout sans chlore et fond bleu, pour pouvoir profiter de manière raisonnable. Tout ce que j’aime. À l’inverse de mon téléphone…

Ce samedi, donc, le lendemain d’un mariage mouvementé, je me suis levée le cœur rempli d’amour et avec la volonté de lui en donner encore. J’ai enfilé mon plus beau maillot de bain, me suis trouvée bonne, admirée dans le miroir avant de descendre me poser sur un transat, bouquin que je ne lisais habituellement jamais à la main. Un paradis. Puis, j’ai pensé au travail. Quand même. Parce qu’on y revient, même si j’étais en vacances, je continuais de faire le minimum, à savoir, à cet instant : créer du contenu. Et dans ma tête, mon connard d’ex est apparu. Dans cette pensée, il était dans une piscine, avec moi, et il sortait son portable pour filmer ses pieds. Ou mes nichons. Sur ce point, le souvenir est un peu flou.

Mais ce qui est certain, c’est qu’il prenait une vidéo dans l’eau, avec son téléphone. Une révolution… que j’ai à mon tour eu envie de tester pour filmer les poissons. Ce que je n’avais pas prévu, c’était d’ajouter un nouvel élément sur la liste « Pourquoi je déteste mon ex ? ». Car si, de toute évidence, son iPhone était bien un Léon Marchand en devenir, le mien devait être un nourrisson à peine sorti de l’utérus de sa mère.

Dans un premier temps, j’ai été convaincue. Et lui aussi. Parce que, même si j’avais douté avant de le foutre à l’eau, relu cinq fois un article sur Google qui confirmait qu’il pouvait nager et hésité au lieu d’écouter ma petite voix, il a survécu une fois immergé. Mieux, mon téléphone a fait de superbes vidéos, vidéos que j’ai partagées sur les réseaux sans aucun souci. Tout s’enchainait bien et je n’ai rien vu venir. Lui non plus. C’est seulement quelques heures après que, sans prévenir, alors que je voulais prendre en photo une librairie bobo chic au milieu d’un village provençal, il m’a quittée, comme le SMIC que j’allais devoir lâcher. Sans que je comprenne vraiment pourquoi, et comme s’il n’avait simplement plus de batterie, il s’est éteint. Sans inquiétude, j’ai continué ma journée, vagabondé dans Emmaüs pour y trouver un joli bracelet et mangé une glace dont la chantilly cachait mon visage. 

Bref, j’étais heureuse. Jusqu’à l’instant où, le soir venu, quand j’ai branché mon téléphone, rien ne s’est passé.

Rien, sauf un écran noir sur lequel il était inscrit « Restauration nécessaire ». Malheureusement pour moi, il ne parlait pas d’une pizza. Non, il parlait d’une refonte totale du système. Mauvais signe. Encore plus lorsque je l’ai connecté à mon ordi et que, malgré la soirée entière à essayer de le restaurer, à effectuer des mises à jour ou à le lancer contre le mur, rien n’a fonctionné. Pire, l’écran est devenu complètement blanc. Une catastrophe. La vérité m’a frappée en plein visage : de toute évidence, mon portable était aquaphobe. 

À cet instant, les vacances ont pris une autre tournure. Déjà, parce que vivre sans téléphone, et surtout travailler sans téléphone, c’est impossible. Ensuite, parce qu’un iPhone, c’est une jolie somme à quatre chiffres. Et surtout, surtout, surtout, parce que cela allait me créer ce que j’essaie à tout prix d’éviter : de la charge mentale. Je me voyais déjà devoir acheter un nouveau portable, comparer aussi bien les prix que les délais de livraison, réinstaller chaque application et retrouver tous les mots de passe. Une cata. Et elle allait commencer dès le lendemain.

Histoire de cumuler les plaisirs, c’était un dimanche. Heureusement pour nous, nous étions à une heure de Lyon, nous permettant de trouver des réparateurs, bien que peu nombreux, ouverts le jour du Seigneur. Lui, par contre, il m’avait bien quittée. Car durant ce dimanche, ça a été un calvaire. Absolument rien ne s’est passé comme je l’aurais aimé. Le premier magasin était fermé, le deuxième m’a à peine rassurée en me disant que le portable avait peu de chances de survie, et quand bien même, cela me coûterait plusieurs centaines d’euros. Mais s’il allait me dépouiller de mon argent, il ne pouvait pas me retirer mon espoir. Alors, toujours dans cette volonté d’alléger ma charge mentale et de ne pas complètement gâcher mes vacances, je lui ai demandé de tenter. Après tout, je préférais payer 400 balles et retrouver mon téléphone plutôt que de devoir gérer l’achat d’un nouveau. Il m’a invitée à revenir plusieurs heures après. 

Durant l’après-midi, j’ai bien essayé de penser à autre chose.

En vain. Je fais partie de ces gens obsessionnels qui sont incapables de faire preuve de résilience et qui restent en boucle sur un sujet.

On a tenté le restaurant, et même le cinéma. Mais ma tête, elle, était avec la batterie noyée de mon portable. Alors, j’ai fini par passer dans un Apple Store avant de me rappeler l’indécence des produits. 1 200 € pour l’iPhone dont j’avais besoin. Dans le magasin, j’ai fait les cent pas. Que devais-je faire ? Certainement pas payer autant d’argent pour un téléphone, bien que j’en aie clairement l’utilité. 

Je suis repartie chez mon réparateur, j’ai constaté qu’il n’avait rien pu y faire, je lui ai acheté un portable de secours et j’ai commandé un reconditionné qui arriverait quelques jours plus tard. Voilà, c’était ce qui me semblait le plus juste. Et ça l’était. Bien que la réalité du quotidien avec un Samsung des années 2000 ait été un calvaire. Vous me prendrez pour une bourgeoise capricieuse et vous aurez raison. Parce que, littéralement, je pétais un câble tant l’ergonomie, la fluidité, l’efficacité de ce téléphone étaient un enfer.

Je me suis retrouvée à la limite des larmes, en train de tenter de poster une story ou dans l’incapacité de répondre à mes proches car une des fonctions n’était pas à jour. Je sais, je peux paraitre ridicule. Mais j’étais fatiguée. Fatiguée de devoir gérer une chose si futile alors que je prenais une seule semaine de vacances, de devoir encore une fois dealer avec la charge mentale qui m’assommait tant durant l’année, de devoir accepter un portable qui ne me permettait pas de me divertir ou de bitcher avec mes amis, étalée sur mon transat. 

J’ai donc lâché ce portable qui me rendait dingue plus qu’il ne m’aidait, et me suis contentée de ne le consulter qu’en cas d’extrême urgence. Puis, après quelques jours, j’ai pris conscience que finalement, je l’avais, ma déconnexion. Il ne fallait juste pas la souhaiter trop intense. C’est ce que j’ai compris, ce jour où j’ai filmé les poissons.