Mardi 5 novembre. Comme tous les mardis, j’allais devenir la version la plus hot de mon être. Depuis une bonne année, j’ai attaqué le sexy heels. En d’autres termes, il s’agit de se déhancher telle une pute sur des talons avec lesquels je suis habituellement incapable de ne serait-ce que marcher.
À cette danse, il m’arrive d’associer une barre, une chaise ou pire, le sol. Le sol, bien qu’il me tienne solidement – ou au moins essaie –, c’est mon plus terrible ennemi. Pourquoi ? Parce que ma prof décide souvent d’y ajouter des cabrioles, des roulades, et parfois pire.
C’est ce qui s’est passé ce mardi 5 novembre. Moi, j’ai débarqué en bombe. Sans plus aucun scoop, je date un gars aux épaules de rêve. Mais ça, je vous l’ai probablement déjà dit. Pour celles qui n’ont pas suivi et pour mon plaisir le plus profond, je me permets de vous faire un petit rappel sur ces muscles hallucinants que j’ai la chance de tâter assez régulièrement. Pour vous donner une idée, son corps s’apparente à un joli mélange entre un homme qui va à la salle tous les jours, un bûcheron qui les utilise pour son travail et un gymnaste qui les étend pour sa souplesse. Un ange. Il a les bras d’un ange. Et d’un ange vraiment musclé. Forcément, pour conserver cette beauté à mes côtés, je dois moi-même montrer mes meilleurs atouts. Vous le voyez venir : mon cul.
Ce n’est pas nouveau, mon cul est une passion pour beaucoup. Pour moi, parfois pour vous, surtout pour eux. Encore plus pour lui. Mon cul est sa passion et elle doit le rester. Ainsi donc, je me rends à mes classes de heels avec un autre objectif : celui de garder mon crush. Évidemment, j’y vais aussi pour le plaisir. Surtout pour le plaisir.
Mon cours de danse, c’est mon chouchou. Grâce à lui, je me sens belle, forte, sensuelle. Et en plus, je me sens talentueuse. Je pourrais vous mentir en vous disant que c’est parce que je suis une excellente danseuse. C’est faux. Si je me sens talentueuse, c’est grâce à mon humour. Parce que durant ce cours, je fais le show. Mes copines sont fans, et ça, ça me plaît. Pendant une heure, je sors blague sur blague, punchline sur punchline et on se marre. Je vogue des maladresses aux jeux de mots, et ça marche.
Je me souviens de cette fois où, alors qu’on attaquait une chorée de cabaret dans lequel était inclus du twirling, l’une d’entre nous, nouvelle dans le groupe, nous a annoncé qu’elle était à une époque dans l’équipe de France de twirling.
Incroyable. Mais dans ma tête, le twirling, c’est quand même un peu naze.
Même si la technique est impressionnante, c’est une activité dans laquelle j’imagine Corine et Nathalie qui, après leur journée de compta à la mairie de leur village, se retrouvent à lancer le bâton en l’air dans des tenues moulant leurs bourrelets – qui, je précise, sont un cadeau de la nature. Rien qui ne fasse vraiment rêver, admettons-le. Sauf que ça, tu ne peux pas le dire à une ex-presque-championne de France. C’était compter sans votre Nono. Votre gueuse, elle a voulu s’intéresser à cette athlète en herbe et, à la question « Tu as arrêté quand le twirling ? », elle a confié : « Au lycée. » Ce à quoi je n’ai pas pu m’empêcher de répondre, instinctivement : « Ah bon, parce que tu avais honte ? » Non, Noëllie, elle n’a pas arrêté parce qu’elle avait honte. Elle a arrêté parce qu’au lycée, elle avait autre chose à foutre. Car non, évidemment, elle, elle ne pensait pas que jeter un bâton dans les airs, c’était la honte. Elle, elle qui kiffait. Mais toi, avec ta remarque de connasse qui ne sait pas réfléchir avant d’ouvrir la bouche, tu l’as insinué. C’était gênant. J’étais gênée. Et le pire, c’est que pour rattraper la gaffe, j’ai jugé approprié de lui dire que ce n’était pas moi qui étais bien placée pour parler de ce qui était honteux ou pas, étant donné qu’au lycée, je faisais du hobby horse. Le tout, évidemment, en l’imitant. Un bon moment, donc.
Ce mardi 5 novembre, j’allais faire pire. Ce jour-là, c’était une chorée sur Rihanna. Love on the brain. Une danse qui s’annonçait sexy et raffinée. Sexy, raffinée et particulièrement acrobatique. Pour des raisons qui me dépassent encore, ma prof a trouvé pertinent de foutre du sol. Beaucoup de sol. On y revient, à ce sol. Je trainais par terre, tentais de comprendre les pas, finissais en serpillère et décidais finalement que je m’en sortais pas trop mal. Jusqu’à LA figure honteuse. La chandelle. Personnellement, je connaissais la chandelle renversée, celle du Kamasutra où le mec t’attrape comme un caddie de supermarché. Me jugez pas, chacun ses réf. La chandelle de ma prof, elle était beaucoup moins sexy. En tout cas avec moi. Parce qu’avec elle, c’était beau. Je l’ai vue s’envoler, les jambes presque au plafond tant elle arrivait à les tendre, les mains sous les fesses pour être toujours plus gracieuse, le dos musclé qui glissait sur le parquet. Moi, c’était bien différent. Déjà, je ne parvenais pas à juste lever mon énorme cul, et encore moins à le porter. Ensuite, mes cuisses se rabattaient naturellement sur ma tête et mon cou s’enfonçait dans ma poitrine, offrant un magnifique double menton à mon visage. Mais je l’ai tentée quand même, au point de la filmer.
Car, rappelons-le, le crush aux grosses épaules. Dans mon esprit, c’était parfait. La chandelle, bien que houleuse, mettait en avant mon énorme fessier qui lui plaisait tant.
J’ai donc installé mon téléphone, lancé la vidéo et demandé à refaire la chorée, pour « mon petit cul ». Personne n’a été surpris, je ne suis clairement pas la seule à adopter ce genre de pratique. Là où la surprise a été, c’est dans l’exécution de l’acrobatie. J’ai commencé sous les encouragements de mes copines, et j’ai attaqué les premiers pas telle une déesse. Sous les lumières tamisées de la salle, avec un fond de musique pas trop fort pour ne pas réveiller les voisins, je donnais tout. Je faisais l’amour au sol, me frottais contre lui, remontais pour redescendre, me trémoussais de nouveau et enchainais les mouvements presque sans erreurs. Jusqu’à la chandelle. À ce moment, je me suis approchée de mon portable pour lui offrir le meilleur angle de vue et je me suis allongée sur le dos, j’ai jeté mes deux jambes en l’air, beaucoup trop fort. Afin d’éviter de me briser la nuque, j’ai fini par contracter tout ce que je pouvais pour ne pas faire un roulé-boulé ou coincer ma tête quasiment dans mon cul. Une contorsionniste.
Une contorsionniste au colon fragile, à en croire la suite. Car, alors que j’étais une grosse boule sur le sol, que la musique défilait sans moi, que mon téléphone était en zoom sur mon anus, il est parti, le pet. Dans un presque silence non couvert par Rihanna, je n’ai pu retenir celui qui allait m’offrir un moment de gêne, qui plus est filmé. Je l’ai libéré sur le parquet. Mes copines n’ont pas pu s’empêcher de s’esclaffer, et moi, toujours bloquée en chandelle, je les ai accompagnées, le tout en continuant de flatuler au rythme de mes rires. Une catastrophe.
J’ai fini par retrouver la bonne position, sans pour autant pouvoir reprendre mon calme. J’ai récupéré mon téléphone et me suis promis de conserver cette vidéo mythique. Qui sait, peut-être qu’un jour, elle sera envoyée au fameux crush qui, faute de me trouver sexy, me trouvera au moins drôle… C’est ce que j’ai imaginé, ce jour où j’ai fait mon cours de heels.